(une contribution de Marc Maillot)

Le centenaire du temple de Walincourt

Le temple de Walincourt a été inauguré le 1er juin 1823 par le pasteur Pierre Elie Larchevêque.

On a fêté son centenaire le 3 juin 1923 à l’occasion d’une double cérémonie qui réunissait le centenaire du temple et l’inauguration de la salle paroissiale de la rue Faidherbe " Notre maison ". Pour la circonstance, des programmes avaient été imprimés chez Roland et Delcroix au Cateau et largement diffusés dans les églises voisines. On retrouve encore ces documents dans les archives de famille. Melle Jacqueline Taisne nous a prêté l’un de ces programmes qu’elle a retrouvé.

Le document se présente sous la forme d’un quatre pages. Sur la première page, le titre en grosses lettres annonce :

 

Concentration des Eglises du Cambrésis

A Walincourt le 3 juin 1923

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INAUGURATION DE " NOTRE MAISON "

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- CENTENAIRE –

DU TEMPLE DE WALINCOURT

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(juin 1823-1923)

 

La double page intérieure donne le programme de la journée. Nous le reproduisons ci-dessous. D’abord la page de gauche :

 

INAUGURATION

DE " NOTRE MAISON "

A 11 HEURES PRECISES

Sous la présidence de M. le pasteur André MONOD

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    1. Ouverture de la séance par le Président
    2. Chant. C. 202, v. 1, 2, 3 (Psaumes et cantiques)
    3. Vœux de bienvenue au nom de l’Eglise par Monsieur le pasteur P. Martin
    4. Chant. C. 158, v. 1, 2, 4.
    5. Allocution de M. A. MONOD, Représentant de l’Entr’aide et du Comité de Secours de guerre Franco-Américain.
    6. Allocution de M. Georges GONTHIEZ, secrétaire et représentant de la Fédération des Eglises et des Œuvres du Nord
    7. Chant. C. 234
    8. Allocution de Mme Pannier, Vice Présidente du Comité National des Unions Chrétiennes de Jeunes Filles
    9. Allocution de M. BRICOUT, Président et représentant du groupe des Unions Chrétiennes de Jeunes Gens du Nord
    10. Allocution de M. VEILLON, Chef de troupe à Caudry, Représentant des Eclaireurs Unionistes
    11. Chant. C. 245. Quête par les Eclaireurs pour les œuvres de jeunesse de l’Eglise
    12. Prière et Bénédiction. Chant : " Jeunesse ardente et généreuse "

(Recueil de la Société Centrale N° 81, Croix-Bleue N° 141)

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Tous les chants, y compris les psaumes, seront exécutés à une allure vive et joyeuse, comme il convient à un jour de fête

La page de droite est consacrée au programme du centenaire du temple de la rue Gambetta dont une photo orne la couverture.

 

CENTENAIRE DE LA DEDICACE

Du TEMPLE de WALINCOURT

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Service au Temple à 2 heures ½ très précises

Sous la Présidence de M. le Pasteur MOREL

Président de la Commission Permanente du Synode Général

Et de la Commission Exécutive du Synode du Nord-Est

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  1. Ouverture du Culte, par M. le Pasteur ROUSSIEZ
  2. Invocation et Chant. Ps. 103. v. 1, 2, 3.
  3. Confession des péchés. C. 85.
  4. Lecture Biblique.
  5. Chant. Ps. 118, v. 1, 3, 5.
  6. Prière par M. le Pasteur MOREL
  7. Chant par le Chœur de l’Eglise : " Notre Temple ", (composé spécialement pour  la circonstance, adapté à un air de Hahnemann.)
  8. Prédication de M. le Pasteur MOREL.
  9. Chant. Ps. 68, v. 1, 2, 3.
  10. Evocation de l’histoire de l’Eglise de Walincourt par Monsieur le Pasteur PANNIER.
  11. Chant. C. 222. Quête en faveur de l’asile de Lemé. (par décision de la Fédération du Nord)
  12. Allocution du Pasteur de l’Eglise : Acte de reconnaissance.
  13. Oraison dominicale. Bénédiction. C. 172.

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A l’issue de chaque réunion, " Notre Maison " reste ouverte à nos visiteurs ; on y trouvera de l’eau potable, des sirops, du thé, du café, des gâteaux, offerts par l’Eglise.

Enfin, en quatrième de couverture, le programme présentait une photo de la salle paroissiale " Notre Maison " avec un groupe de jeunes dans la pâture encadrés par le Pasteur Paul Martin et sa femme.

C’est un lieu que beaucoup de protestants ont connu. L’endroit était un peu retiré de la route. On y accédait par un petit chemin. La salle servait, en temps ordinaire, de lieu de réunion. Devant cette salle, une vaste prairie dans laquelle se tenait chaque année la " vente " à l’occasion de la journée de l’Eglise. On y trouvait des stands de toutes sortes : tissus, librairie, poteries, Il y avait aussi des jeux d’adresse: chamboule tout, fléchettes, pêche miraculeuse… Une sono donnait un air festif à cette manifestation qui se tenait sous les grands arbres. Il est arrivé qu’on y célèbre le culte en extérieur. A l’intérieur, il y avait un buffet de pâtisseries. Quelquefois, une chorale venait donner un petit concert. Le soir, la fête se terminait par un petit spectacle qui comprenait souvent une pièce de théâtre. Parfois, cette salle était louée à des particuliers qui pouvaient y organiser des repas de famille.

Malheureusement, le bâtiment a subi l’outrage du temps et, les frais de réparation étant trop élevés pour une petite communauté, il a fallu vendre ce bien qui ne pouvait plus être utilisé.

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Enfin, pour rappeler qu’il s’agissait d’une salle fraternelle, le document finissait sur un verset biblique :

"Vous n’avez qu’un seul Maître : le Christ, et vous êtes tous frères."

St-Matthieu  23 : 8


Les cent cinquantes ans du temple de Walincourt

Autrefois le Cambrésis

(Extrait de l’allocution du pasteur De Visme prononcée lors du 150° anniversaire du temple de Walincourt, le 8 avril 1973)

Dans la cave du presbytère de Walincourt, il y a une voûte en pierre sur laquelle sont gravées des initiales et des dates remontant au XVlle siècle. C'était très probablement une partie de la cave de l'ancien château qui devait servir de prison. On imagine les malheureux qui certes n'avaient pas le confort du chauffage central qui s'y trouve maintenant installé, et qui ont dû se distraire en gravant leurs initiales. Peut-être y ont séjourné les dix protestants de Walincourt arrêtés le 20 septembre 1772, avant d'être transférés dans les prisons du Cateau.

Les constructions des hommes sont provisoires. Des châteaux sont construits et ensuite rasés ; des maisons sont bâties à leur place ; elles passeront aussi, et la terre aura d'autres destinations. Mais dans son sol resteront gravés les noms de ceux qui ont souffert et qui ont transmis la vie aux générations suivantes.

Il en est de même de l'Eglise de Jésus-Christ, dressée, éprouvée, réformée, mais toujours vivante. Elle témoigne de sa foi et transmet la vie aux générations suivantes. Des formes d'église se succèdent. Il faut creuser le sol de l'histoire pour retrouver les quelques indices sporadiques qui témoignent de la fidélité dont nous sommes les héritiers et les responsables.

Ainsi, le Cambrésis et le Hainaut connurent une flambée de vie évangélique lorsqu'un certain Hippolyte Roussiez, apparenté à une famille de Walincourt, fut brûlé vif à Turin, comme hérétique, au XVe siècle, un siècle avant la Réforme.

Ainsi, en 1562, du vivant de Calvin, quatre prédicateurs dont un certain Sohier, furent brûlés sur la place de Cambrai parce qu'ils avaient proclamé le salut par la foi. On a conservé l'acte d'accusation.

Ainsi, à la fin du Xvle siècle, après la révocation de l'Edit de Nantes, de nombreux mulquiniers et fabricants de baptiste fuirent en Angleterre qu'ils enrichirent de leurs techniques et de leur commerce. Ainsi, en 1698, Fénelon l'archevêque de Cambrai, lui aussi exilé, vint à Walincourt et y rencontra Louis Bertin, dans ce faubourg protestant qu'on a appelé " le quartier latin " parce qu'on y était particulièrement instruit. On y lisait le Nouveau Testament, les Psaumes et un livre de sermons " La nourriture de l'âme ". Ces livres, il fallait bien les cacher. Mais, sur l'insistance de Fénelon, Bertin les montra ; et l'archevêque lui dit : " C'est bien ! Remets-les en place ". Le 28 mai 1711, Fénelon écrivait au Pape : " Une multitude innombrable se rend chaque dimanche des villages dans les villes et aux camps, pour entendre les discours des hérétiques et proclamer ouvertement son adhésion à la secte ; mais il est certain qu'avant l'invasion du pays par les troupes hollandaises, ils étaient secrètement hérétiques et avaient été élevés dans la secte de Calvin.

Egalement ainsi, au XVllle siècle, revinrent d'Angleterre les « demoiselles de Prémont » qui répandirent la Bible imprimée à Londres en 1709. On pouvait l'acquérir pour 20 écus, c'est-à-dire environ un mois de salaire. On en a retrouvé une à Walincourt, possédée par Toussaint Proye qui l'a donnée à sa nièce Noëlle, vers 1790, lors de son mariage avec Abraham Drancourt ; les pages des Psaumes et du Nouveau Testament sont tellement usées qu'elles sont illisibles.

Malgré la tolérance accordée par Fénelon, les dragons vinrent. Beaucoup de protestants quittèrent encore le pays. En sorte qu'en 1750, il ne restait plus à Walincourt qu'un seul protestant, sauvé des eaux de la persécution qui s'appelait Jonas. Il demeurait dans la maison d'Armand Galliégue dans la rue maintenant nommée rue Pierre Flinois.

Sa fidélité fut un témoignage. Et la seconde moitié du XVllle siècle vit le nombre des protestants augmenter rapidement. Les jeunes étaient reçus à la Sainte Cène dans l'Eglise de Tournai ; on en connaît 89 qui portaient les noms de Bernage, Cattelain, Delbarre, Galiègue, Gontier, Lamandin, Le Ducq, le Verd, Marlier, Patte, Roussiez, Soileux. Cette église nouvelle fut appelés " l'Eglise en sabots ", car les fiancés qui allaient faire bénir leur mariage à Tournai, utilisaient deux paires de sabots, l'une qu'ils usaient à l'aller, l'autre en retour ; ils étaient reçus dans les auberges et les fermes, le long de la route ; et delà naquirent ou furent encouragées des églises à Caullery, à Elincourt, à Caudry, à Nomain, à Quiévy surtout, à Inchy, à Saulzoir, à Lecelles.

Une nouvelle flambée de vie spirituelle illumina le Cambrésis dans les années 1770-72 - il y a juste deux siècles. On se réunissait dans les bois en grandes assemblées pour entendre les pasteurs de passage, dits " pasteurs du désert ": François Charmuzy qu'on appelait " le Paul Rabaud du Nord ", le pasteur Loreille, le pasteur Briatte, de Serain.

En particulier, au printemps 1771, aux Aïette Bracanes, l'assemblée fut surprise par la maréchaussée ; le pasteur eut l'audace de dire aux cavaliers du roi : " attendez que nous ayons fini nos prières "... et les soldats attendirent, puis arrêtèrent quelques personnes.

Jean-Philippe Leverd était l'âme de ce mouvement. Jean Grégoire, Toussaint Proye, Melchior Cattelain allaient de maison en maison lire la Sainte Parole et la commenter. On s'assemblait régulièrement dans quelques salles appelées " maisons de prière ".

Ici, j'ouvre une parenthèse. Il y a donc deux cents ans, les temples n'existaient pas parce que la situation politique ne le permettait pas ; mais l'Eglise s'assemblait dans les maisons. A l'heure actuelle, les temples se vident : dans certains grands temples de Paris, il n'y a pas plus de fidèles qu'à Walincourt ; et dans toutes les régions de France, on ferme ou l'on vend des temples entourés de leur cimetière. L'ennemi n'est plus le roi de France ni le catholicisme ; c'est l'auto, la télé, la fatigue ou la nonchalance. Cependant les chrétiens s'assemblent dans les maisons pour l'étude de la Bible et la recherche ; des jeunes par milliers vont à Taizé célébrer la joie de Pâques ; des missionnaires traversent les océans pour annoncer Jésus-Christ. Une autre Eglise est en train de naître.

Mais revenons au début du XlXe siècle. Un seul pasteur, Jean Devisme " fonctionnait " (suivant l'expression du temps). Son histoire, racontée dans un livre que vous connaissez, a paru en 1922 pour le centenaire de l'Eglise de Dours ; il habitait Valenciennes et parcourait à cheval Cambrésis, Hainaut, Thiérache et Picardie.

Quelques "oratoires" furent construits à Quiévy, à Lille, à Dours, à Esquéhéries, à Wanquentin et à Walincourt. On comptait 4 743 protestants dans le seul département du Nord. 850 protestants pouvaient participer au culte de Walincourt, dont 100 de Beaumont, 104 de Cambrai, 96 de Caudry, 100 de Caullery, 100 d’Elincourt et 320 de Walincourt (25 % de la population de la commune). Un pasteur fut installé à Lille, un autre à St Quentin.

Walincourt eut son premier pasteur en 1811 ; il s'appelait Jean-Pierre Courlat. Il venait de Monflanquin. Séparé de sa femme, il avait, aux dires de l'ancien de Cambrai, M. Hennechard, et de l'ancien de Walincourt, Jean-Baptiste Roussiez, d'extravagantes originalités: il ne voulait pas lire le Symbole des Apôtres et recomposait les dix commandements à sa manière ; il ne voulait pas dire Saint Matthieu, ou Saint Jean ou Saint Paul, et disait seulement Matthieu, ou Jean, ou Paul. On finit par l'expulser de l'Eglise et le faire interner comme aliéné ; puis il retourna en Suisse d'où il était venu.

Il y eut ensuite à Walincourt des pasteurs plus honorables: Henri Pyt, Henri Levasseur dit Durell, et surtout Larchevêque qui inaugura, le 1er juin 1823, le temple actuel, aujourd'hui rénové et embelli.

Jean de VISME

(Document fourni par Melle Jacqueline Taisne de Walincourt.)


Novembre 2000 : Cession du cimetière, vente de la salle protestante.

En date du 29 Novembre 2000 le CONSEIL PRESBYTERAL DE WALINCOURT, informe ses fidèles que le cimetière protestant a été rétrocédé à la commune pour le franc symbolique, et que la "salle protestante" a été vendue à des particuliers.

cf : Lettre d'information de Conseil presbytéral de Walincourt