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La première municipalité de Walincourt :
déjà marquée par des personnalités protestantes Les faits que nous allons évoquer se déroulaient en 1790. Lannée précédente, de grands bouleversements sétaient produits, qui allaient mettre fin à lAncien Régime. Un peu dhistoire En 1789, létat français était au bord de la banqueroute. Jacques Necker avait été rappelé par le roi Louis XVI qui lavait nommé ministre des finances. Necker avait préconisé la réunion des Etats Généraux pour le 5 mai à Versailles. En juillet, ces Etats Généraux sétaient transformés en Assemblée Nationale constituante, assemblée dans laquelle Necker était parvenu à doubler la représentation du Tiers-Etats. Devant cette situation, le roi avait décidé de renvoyer Necker. Ce renvoi avait provoqué la fureur populaire qui avait conduit le petit peuple parisien à prendre la Bastille (14 juillet). La Grande Peur de lété conjuguée à une révolte paysanne généralisée avait amené lAssemblée Nationale à voter labolition des privilèges pendant la nuit du 4 août. Le 26 août, on avait voté la Déclaration des Droits de lHomme. Juifs et Protestants étaient devenus des citoyens à part entière (décembre 1789 et janvier 1790). LAssemblée Constituante décide alors la création des municipalités et des départements, éléments essentiels de lunification du pays. Et à Walincourt ? Leffervescence révolutionnaire sest notée à Walincourt par la mise à sac du château du seigneur, François Maximilien de la Woestine, qui dailleurs réside le plus souvent à Cambrai. Bien que loin du tourbillon qui a agité la capitale, le mayeur de Walincourt, Etienne Happe, reçoit les ordres pour que les décisions de lAssemblée Nationale soient appliquées. Cest long, le texte est compliqué. Une visite au curé, Pierre Joseph Larme, nest pas pour le rassurer. Il va falloir quil bouge, il va falloir provoquer lassemblée des " citoyens " comme on dit maintenant. Les deux hommes sentendent. A la sortie des vêpres le dimanche 24 janvier, on annonce la convocation de tous les citoyens actifs pour le dimanche 31 janvier chez Etienne Happe. Les élections Ce jour-là, ils sont soixante-dix à venir voter. Ce sont les pères de familles car les femmes et les enfants ne votent pas encore. On est loin encore du suffrage universel. Beaucoup les accompagnent, par curiosité. La maison est trop petite pour accueillir tout le monde. On sinstalle dans une grangette. On sassoit sur ce que lon trouve, une balle de paille, une caisse, une planche, et, dès que le silence se fait, Etienne Happe tente de sexpliquer sur le but de la réunion. Cest compliqué, il faut relire, expliquer et réexpliquer les termes que tous ne comprennent pas bien. On précise comment on va voter. Cest, en effet, un acte auquel les habitants ne sont pas habitués. Dans lAncien Régime, on ne leur demandait pas leur avis. On va dabord élire un président de séance : ce sera Jacques Michel Taisne, un marchand connu de tous. Il faut aussi un secrétaire, le collecteur dimpôts, Jean Baptiste Molinier est élu. Ces deux hommes prêtent aussitôt le serment de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume, dêtre fidèle à la nation, à la loi et au roi. Comme il se fait tard, on décide de lever la séance et de se revoir dans quelques jours. La date du mardi 2 février est choisie. Le lundi, des nouvelles de cette réunion ont circulé et, le mardi, on est encore plus nombreux : 87 votants. On nomme trois scrutateurs qui vont sassurer de la régularité des opérations de vote. Le président de séance annonce quil va falloir élire six personnes qui formeront le corps municipal. On va dabord voter pour élire un maire. Des noms sont avancés. Certains qui auparavant étaient écartés de la vie publique sont pressentis. Chaque votant est invité à inscrire sur un billet le nom de celui quil choisit. Jacques Michel Taisne obtient 83 voix sur 87 votants. Le premier maire de Walincourt a 58 ans. Le président de séance, devenu maire, annonce que pour élire les cinq autres membres du corps municipal (on dirait aujourdhui conseillers municipaux), on va voter au scrutin de liste double. Chacun va écrire cinq noms sur un billet et seront élus ceux qui auront plus de la moitié des voix, sinon, il faudra refaire un vote. On vote, on dépouille et personne nayant obtenu la majorité absolue, le maire annonce que lon va procéder à un second tour. Des murmures sélèvent, on se regarde, on se parle à loreille. Des voix sélèvent. On dit que ce nest pas la peine de refaire un second tour puisque les suffrages se porteront sur les mêmes personnes et que le résultat sera le même. On précise tout de même que les parents ne pourront être élus ensemble. Le maire proclame donc les résultats de ce scrutin. Sont élus Jean Philippe Leverd, Jean Joseph Bégaint, Toussaint Proye, Jean Charles Frémont et Charles Louis Mailliez. Des applaudissements saluent lélection de ces cinq Walincourtois : trois sont mulquiniers, un maçon et un chaufournier. Le maire a alors invité lassemblée à élire un procureur de la commune au scrutin individuel. Cest un célibataire de 47 ans, Charles Louis Leverd que lon a choisi. Des notables Mais le vote nétait pas fini car les lettres envoyées par lAssemblée Nationale demandaient que lon complète le corps municipal avec douze notables. Là encore, les votants, rebutés par la nécessité décrire sur un billet une douzaine de noms ont préféré demander que lon reprenne les noms de ceux qui navaient pas été élus comme officiers municipaux, avec encore la condition que des parents ne siègent ensemble. Cest ainsi quont été élus notables Pierre Brunet, Melchior Cattelain, Augustin Lavallez, François Malésieux, François Prévot, Jacques Martin, Pierre Philippe Lamandin, Martin Peltier, Pierre Proy, Jean Baptiste Douchet, Charles Antoine Mailly et Hubert Leriche. Quelques jours plus tard, le dimanche 7 février, tout le monde se retrouve à une heure de laprès-midi sur la place publique, lieu symbolique de la commune. Devant les citoyens actifs de la paroisse (on a gardé lancien vocabulaire, les notions de commune et de paroisse sont encore floues dans les esprits), le corps municipal prête le serment de maintenir de tout son pouvoir la constitution du royaume, dêtre fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de bien remplir ses fonctions.Alors, le mayeur et les échevins signent le procès verbal dont copie est remise au corps municipal ainsi installé. Par ce geste, le mayeur et les échevins abandonnent leurs anciennes prérogatives et reconnaissent au nouveau corps municipal lautorité qui lui est due. Cest fait ! La commune de Walincourt a donc la première municipalité de son histoire. Dans cette élection, on voit apparaître des personnes qui, en dautres temps, nauraient jamais osé saventurer sur lavant-scène de la vie publique. La moyenne dâge est 57,6 ans. Jean Joseph Bégaint et Hubert Leriche font figure de jeunots avec leurs 41 ans. Le doyen de lassemblée est Martin Peltier, marchand cirier âgé de 78 ans. La plupart des élus sont des personnes de condition modeste. Exceptions faites de Jacques Michel Taisne, de Charles Louis Mailliez, de François Malézieux, de François Prévot et de Martin Peltier, tous les autres paient moins de vingt livres de contributions directes. Une livre valait 20 sols et un sol valait 12 deniers. La journée de travail à lépoque était évaluée à 15 sols (le prix dun poulet). La présence de Hubert Leriche est significative : nest-il pas lancien jardinier de François Maximilien de la Woestine, marquis de Bécelaer, seigneur de Walincourt ? Les autres sont presque tous mulquiniers. On trouve un chaufournier, un cabaretier, un menuisier, un marchand de cire, un maçon, deux brasseurs. Les Protestants, comme les autres La proclamation des Droits de lHomme a mis sur un pied dégalité tous les citoyens ; certains ne se sont pas privés de leurs nouveaux droits : ce sont les Protestants qui siègent dans cette municipalité : Jean Philippe Leverd, ancien mulquinier âgé de 72 ans, époux de Jeanne Louise Gadenne. Ils se sont mariés à Tournai le 19 mars 1777. Toussaint Proye est maître mulquinier. Il a 60 ans. Il a épousé Marie Louise Patte le 27 octobre 1754 à Tournai. Melchior Cattelain, le père de Charles Louis Cattelain est un ancien mulquinier de 61 ans. Il avait épouse Marie Madeleine Taisne dElincourt le 3 août 1760 à Tournai. Enfin, Jean Baptiste Douchet est né en 1735 à Clary. Il a épousé à Tournai le 30 octobre 1768 une Walincourtoise, Jeanne Catherine Brunet et il sest installé maître mulquinier. Ainsi donc, dès le début de son histoire, les Protestants ont pris une part active dans la gestion de la municipalité. Et ce nest que le début dune longue histoire car en lan 2000, il y en a encore. Marc Maillot - Octobre 2000 Sources
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