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La révocation de l’édit
de Nantes La
révocation de l’édit de Nantes le 18 octobre 1685 mit le point final aux
derniers espoirs de ceux qui restaient. Le roi voulait une seule religion dans
son royaume. Il était d’ailleurs persuadé que les efforts qu’il avait
prodigués depuis des années pour remettre dans le droit chemin les hérétiques
avaient porté leurs fruits et qu’il ne restait presque plus de
religionnaires, les uns ayant abjuré, les autres étant partis. L’édit
enjoignait aux ministres de la R.P.R. de se convertir ou de quitter le royaume
dans les quinze jours. Pour Samuel Métayer, il n’était pas question
d’abjurer, il se résigna donc à se retirer à Londres. Le roi d’Angleterre
Jacques II, par dérogation spéciale, lui accorda la permission de se
soustraire à la règle qui astreignait jusque-là les réfugiés à suivre le
rite anglican[1].
Dès lors, Samuel Mettayer s’occupa donc d’instituer en Angleterre une
Eglise française calviniste[2].
Des terrains furent achetés et de nouvelles églises bâties[3].
Le
dernier article de l‘édit de révocation concernait les huguenots obstinés
refusant de se convertir. « En attendant qu’il plaise à Dieu de les éclairer »,
ils pouvaient demeurer en France et y continuer leur commerce, à condition de
ne tenir aucune assemblée et de ne pas pratiquer leur religion. Quelques
optimistes espérèrent que cet article leur permettrait de bénéficier d’une
certaine neutralité religieuse ; ils comprirent vite leur erreur en voyant
arriver, outre les théologiens catholiques chargés de les convertir, des
dragons armés d’épées et de mousquets. Ces dragons profitaient de leur
droit de logement pour piller et brûler, si bien que les malheureux religionnaires finissaient par être obligés
d’abjurer sous la contrainte. A Saint-Quentin, le plus récalcitrant des
huguenots fut Jean Descarrières qui résista autant qu’il put avant de se résoudre,
la mort dans l’âme, à abjurer. Bientôt
Louvois fut averti qu’il ne restait aucun hérétique en la bonne ville de
Saint-Quentin. Cependant il était aussi informé qu’il subsistait plusieurs
autres foyers d’hérésie, notamment à Bohain et Brancourt. Ayant constaté
l’efficacité des soldats à Saint-Quentin, il décida de pratiquer de même
dans les villages incriminés. Il envoya donc sur place les soldats de la
garnison de Cambrai, tandis que l’évêque de Noyon, la bouche pleine de
paroles charitables, y accompagnait plusieurs missionnaires. Pour
être valable, l’abjuration des hérétiques devait avoir lieu suivant une
procédure bien précise devant plusieurs témoins, dont un représentant de
l’évêque. Les Nouveaux Convertis devaient ratifier leurs promesses « dans
les termes prescrits », c’est-à-dire reconnaître leurs erreurs et
faire profession de la foi catholique, apostolique et romaine. L’absolution
leur était ensuite administrée. Un certain nombre d’entre eux furent ensuite
tourmentés par leur conscience, aussi arriva-t-il que, sur leur lit de mort,
ils refusent de recevoir les sacrements du prêtre et déclarent vouloir mourir
dans la Religion Prétendue Réformée. Certains de ces cas furent rapportés au
lieutenant criminel du bailliage de Vermandois. En application d’une déclaration
du 29 avril 1686, ce dernier fit condamner les cadavres à être traînés sur
une claie attachée à une charrette avant d’être jetés à la voirie. Les
biens des défunts furent confisqués. Une
autre ordonnance concernant les Nouveaux Convertis fut décrétée le 16 octobre
1688. Elle ordonnait qu’ils remettent aux magistrats « tous les
mousquets, fusils, carabines, pistolets, épées, hallebardes et autres armes en
leur possession ».Seuls, les gentilshommes avaient l’autorisation de
garder quelques armes. Si
certains huguenots se « convertirent » du bout des lèvres,
d’autres décidèrent de s’enfuir comme l’avaient déjà fait nombre de
leurs prédécesseurs. Ils cherchèrent refuge en Angleterre et en Hollande. Des
réseaux de guides s’organisèrent. C’étaient, pour la plupart, des gens
honnêtes et dévoués, mais il arriva que certains, pour des raisons
mercantiles, trahissent les groupe dont ils avaient la charge. Lorsqu’un
groupe de huguenots en fuite était surpris, ils étaient emprisonnés après
que la régie des fermes leur avait enlevé argent et bagages. Louis XIV jugea
bientôt que les Fermiers Généraux s’enrichissaient trop et qu’une partie
du butin pourrait tomber dans sa propre caisse. Il fit donc prescrire que les
religionnaires arrêtés fussent dorénavant jugés, non par le tribunal des
traites[4],
qui faisaient confisquer les biens au profit des Fermiers Généraux, mais par
les juges faisant « procès des personnes ». Cela lui permit de ne
laisser aux fermiers du Domaine qu’un tiers des biens saisis, le reste tombant
dans la caisse royale. Cependant,
au bout d’un moment, un problème auquel on ne s’attendait pas se posa.
Comme le nombre de protestants arrêtés s’accrut rapidement et comme ces
huguenots opiniâtres refusaient de se convertir, prisons, bagnes, couvents, galères
furent bientôt pleins. Les autorités se virent alors contraintes d’expulser
et de faire conduire elles-mêmes à la frontière un certain nombre de
religionnaires, ce qui était contraire à la loi ! Un
article de l’édit d’octobre 1685 ordonnait la destruction des temples.
Ainsi fut détruit le temple du Haucourt, qui avait été bâti avec tant de
difficultés. La vente des matériaux récupérés servit à payer les réparations
de l’église catholique du même village et à construire l’église
catholique d’Esserteaux. La
guerre de la Ligue d’Augsbourg, déchaînée en 1688 sur l’Europe par les
persécutions dont souffraient les protestants français, occupa le roi pendant
neuf ans, ce qui procura un certain répit aux Nouveaux Convertis. Certains
d’entre eux avaient une conduite dont Sa Majesté avait lieu d’être
satisfaite. Mais beaucoup, petit à petit, sortirent de leur torpeur, commencèrent
à ne plus monter la docilité espérée et éludèrent les actes du culte
catholique. Dans ce contexte, certains réfugiés se décidèrent à revenir
mais se gardèrent bien de se manifester auprès du clergé catholique. Un
ministre venant de Hollande vint leur rendre visite. Il se fit passer pour un
marchand de dentelles et eut même la témérité de s’introduire à
Saint-Quentin[5] !
Trois ans plus tard, un autre pasteur du désert, Gardien Givry, dit Duchêne,
revenant d’Angleterre, fit un séjour dans la région de Saint-Quentin et
visita Landouzy-la-Ville, Saint-Pierre, Lemé. A la lueur des flambeaux, il présida
deux longues réunions nocturnes à la « boîte à cailloux[6] »,
vallon très boisé proche d’Hesbécourt. La foule se pressait pour recueillir
ses paroles ; plus de cinq cents personnes vinrent l’écouter à chacune
des réunions de la boite à cailloux. La
paix de Ryswick, libérant Louis XIV de ses soucis avec les étrangers, lui
permit de reprendre plus activement son œuvre, si bien commencée, destinée au
salut des âmes de ses sujets. Le 7 janvier 1699, un mémoire rappela et
confirma aux intendants et commissaires les instructions de l’édit
d’octobre 1685. C’est
à cette époque que se situe l’histoire de Nicolas Frenoy, berger à Remigny.
Cette affaire impliquait un certain nombre d’anciens calvinistes de la
paroisse de Saint-Quentin. Nicolas Frenoy était catholique et marguillier de sa
paroisse. Messieurs Couillette, père et fils, tous deux blanchisseurs à
Saint-Quentin, Jacob, brasseur au même lieu et Bocquet, brasseur de la Fère
eurent l’occasion de lui parler de la foi huguenote, ce qui amena le berger à
se procurer une Bible. Le curé l’apprit, s’en empara, la vendit et lui
remit à la place une Vie des Saints.
Le paroissien indocile parvint néanmoins à acheter une autre Bible qui fut de
même soustraite par le curé. Les trois protestants Nouveaux Convertis évangélisateurs
fournirent alors à Nicolas Frenoy un Formulaire de la cène, du baptême et du mariage, terminé par un
catéchisme à l’intention des enfants de la R.P.R. et par des psaumes. Le
berger-marguilier lut ce livre avec avidité et se mit à communiquer à son
entourage sa nouvelle façon de voir. Témoin de ces faits et profondément
atterré, le malheureux curé de Remigny se mit à considérer son paroissien
comme un « dangereux libertin » et il en référa à l’intendant
de Soissons[7].
La justice royale, se rendant au domicile du berger, n’y trouva aucun livre
interdit. Pour prouver sa dénonciation, le curé produisit alors une des Bibles
confisquées. Frenoy jura que désormais il ne lirait plus que La
vie des Saints. Ces bonnes dispositions lui valurent d’être seulement
condamné à une amende ainsi qu’à fournir à l’église un cierge de cinq
livres. Il dut aussi faire amende honorable en promettant de vivre désormais
dans la religion catholique, apostolique et romaine. En
1700, c’est-à-dire à peine un an après le rappel de Louis XIV à la sévérité,
de nombreux Nouveaux Convertis ne faisaient pas acte de catholicité, tant à
Saint-Quentin que dans les villages de Villers-Saint-Christophe, Jeancourt, Le
Haucourt[8],...
Pour récompenser les Nouveaux Concertis soumis et pour les inciter à
continuer, Louis XIV décida donc de leur prodiguer ses faveurs. Il espérait
attirer ainsi, dans le saint giron de l’Eglise, les huguenots plus récalcitrants.
Comme récompense, il donna des armoiries aux manufacturiers et marchands jugés
utiles à la prospérité du royaume. D’autres Nouveaux Convertis pratiquant
correctement la religion catholique purent même acheter des brevets. C’est
ainsi que certains devinrent assesseurs et échevins à Saint-Quentin. Mais
le roi Louis XIV vieillissait. Après les cinq traités de paix signés en 1713
et qui mirent fin aux guerres, le monarque sembla moins se complaire à la persécution
religieuse. Son confesseur, le jésuite Letellier, l’encouragea cependant à
signer la déclaration du 8 mars 1715. Les religionnaires Nouveaux Convertis
refusant les sacrements de l’Eglise et déclarant persister et mourir dans la
R.P.R. seraient déclarés relaps, même
s’ils n’avaient pas abjuré dans le passé et leurs biens seraient confisqués[9]. Après
la mort de Louis XIV, les protestants espéraient une accalmie dans les persécutions.
En effet, les questions religieuses laissaient le régent Philippe d’Orléans
assez indifférent. Mais, en Picardie, la maréchaussée rêvait encore de
terroriser les parpaillots. C’est ainsi qu’on vit la maréchaussée de Péronne
envahir par trois fois le village de Templeux-le-Guérard[10].
Des maisons furent pillées et quatre huguenots arrêtés et conduits en prison,
où ils croupirent six mois. Le prévôt de la maréchaussée, Legrand, tua
d’un coup de pistolet Catherine Leloir[11],
femme de Nicolas Dassauvillé, l’un des prisonniers relâchés. La justice fit
grâce au meurtrier et, en même temps, envoya la fille de la victime rejoindre
en prison deux de ses coreligionnaires[12] ! Bon
nombre de familles persistaient dans la foi réformée. Les huguenots picards
les plus convaincus allaient se marier ou assister à des cérémonies
religieuses dans les Eglises de la Barrière,
de l’autre côté de la frontière du Nord. A Tournai, Armentières, Menin,
Ypres et Namur, il y avait en effet des pasteurs qui ouvraient toutes grandes
les portes de leurs églises aux protestants persécutés. Ces ministres
huguenots étaient arrivés en 1715, après que les Pays-Bas espagnols avaient
engagé des troupes de mercenaires hollandais pour tenir les garnissons formant
barrière avec la France[13]. A
la majorité du jeune roi Louis XV en 1723, les protestants retombèrent entièrement
sous la domination de leurs ennemis. La déclaration du 14 mai 1724 confirma, et
parfois même aggrava, les pénalités précédemment édictées. Une des
grandes préoccupations du clergé résidait dans l’éducation des enfants
protestants. La Vrillière écrivait à cette époque que les Nouveaux Convertis
de Saint-Quentin faisaient passer leurs enfants en Hollande pour les faire élever
dans la R.P.R. et n’envoyaient pas à la messe ceux qu’ils gardaient. Cette
situation ne pouvait être tolérée. Mais, en raison même des excès des
mesures contre les huguenots, ces dernières ne furent pas toujours appliquées.
En
1727, la ferveur de la foi huguenote s’était tant ranimée au nord du
Vermandois que les cultes catholiques cessèrent pendant six mois à Jeancourt.
Malgré les édits, on assistait à de nouvelles conversions qui venaient
grossir les rangs huguenots. L’intendant Chauvelin résuma la situation en écrivant :
« Je reçois tous les jours des
plaintes de la part des curés de l’élection de Saint-Quentin, dont les
paroissiens se pervertissent journellement pour embrasser la R.P.R. Il y en a
qui s’ingèrent à faire les prédicants et qui corrompent les anciens
catholiques. » Les
lois de répression continuaient pourtant à sévir. Le second jour de Pâques
1732, après avoir participé au culte des églises wallonnes de la Barrière,
plus de deux mille huguenots furent arrêtés à leur retour, au passage de la
frontière, et emprisonnés par ordre du gouverneur de la Flandre française. En
ce qui concernait les sépultures, la déclaration royale du 9 avril 1736
ordonna que, pour les religionnaires insoumis, si la sépulture ecclésiastique
n’était pas accordée par le prêtre, l’inhumation aurait lieu en vertu
d’une ordonnance du juge de police. Cette ordonnance, rendue sur les
conclusions du procureur ou d’un haut justicier, devait être établie au
greffe sur un registre spécial. Des extraits payant permettaient ensuite aux
familles de faire pratiquer l’ensevelissement, sans aucune cérémonie
religieuse, de grand matin ou le soir sans flambeaux. Toutes ces formalités étaient
compliquées et coûteuses. N’ayant droit qu’à la terre profane, les morts
huguenots étaient enterrés dans les jardins[14].
S’il n’y avait plus procès aux cadavres, on pouvait encore assister à des
procédés révoltants. En 1760 le pauvre Pierre Loir décédé à Monvouloir,
hameau de la paroisse de Pontru, mourut en s’entêtant dans la religion réformée :
son cadavre fut enfoui dans le fumier... Parmi
les autres Nouveaux Convertis un peu plus soumis qui mettaient les pieds à l’église
catholique, certains n’en cherchaient pas moins à participer le moins
possible à la vie de l’Eglise. A Saint-Quentin, pour éviter d’être nommés
marguilliers, messire Isaac de Brissac, écuyer, messire Jean Baptiste Isaac de
Brissac, écuyer et monsieur Abraham Descarrières, marchand, offrirent une
bonne somme d’argent pour la réparation de l’église, à condition de ne
pas être nommés. Aucun
pasteur connu n’avait visité le Vermandois depuis le passage de Givry près
de quatre-vingt ans auparavant, lorsque le ministre Charmusy, toujours œuvrant dans
le secret, s’attela en 1769 à la réorganisation des Eglises de Lemé,
Hargicourt, Templeux et Flavy-le Martel. Dans ce dernier village, sous
l’influence du ministre, le zèle des huguenots se montra vite si grand que le
ministre des affaires générales de la religion protestante[15],
fit raser la maison où ils se réunissaient. Les Eglises reprenaient vie
lorsqu’elles furent privées de leur bon ministre Charmusy. En effet, celui-ci
fut arrêté en chaire le jour de Pâques 1770 à Nanteuil-les-Meaux. Jeté en
prison à Meaux, il y mourut au bout de neuf jours. Jean Baptiste Briatte
lui succéda. Picard, il était originaire de Serain. Pendant deux ans, se
gardant avec soin de la maréchaussée, il parcourut le nord de la France en
ranimant la foi de ses coreligionnaires. Il
présida un consistoire à Lemé en 1772. Pour des raisons inconnues, il
dut quitter la région en 1773[16]. Après
la mort du roi Louis XV en 1774, Louis XVI prêta serment de poursuivre la
politique religieuse de ses aïeux et d’exterminer les hérétiques.. Mais les
temps avaient changé et les esprits évolué. Conseillé par des hommes éminents
et enclin lui-même à la compassion, il mit moins de zèle que ses prédécesseurs
à persécuter les protestants. Les
ministres protestants continuèrent à rétablir les réunions religieuses (même
si elles restaient secrètes). Les Eglises furent réorganisées dans la Brie et
jusque dans la Thiérache. Mais la circonscription de l’ancienne Eglise de
Saint-Quentin restait fermée à l’exercice public du culte réformé. Dans la
Haute-Picardie, il n’y avait alors que deux assemblées par an, qui se
passaient de nuit[17].
Vers 1775, le ministre de Saint-Quentin
et Hargicourt, Dolivat et son collègue
de Lemé, Bellanger, tentèrent
d’améliorer cet état de fait. Un colloque s’assembla le 30 septembre 1776.
Y participèrent anciens et diacres des consistoires d’Hargicourt et Jeancourt
(Vermandois), Templeux (Santerre), Heucourt (Vimeu), Sempuis (Beauvaisis)[18]. Pour pourvoir aux
principales dispositions à prendre, un règlement en dix-sept articles fut établi.
Quelques
mois plus tard, un mémoire fut adressé au roi, lui exposant les événements
survenus à Templeux-le-Guérard, Vendelles, Hargicourt, Nauroy, Jeancourt,
etc., où les cavaliers de la maréchaussée continuaient à investir les
assemblées protestantes, l’épée nue, pour en disperser les participants. Si
les lois n’avaient pas changé et si les prêtres en poursuivaient
l’application, les magistrats, dont l’esprit avait évolué, hésitaient à
les mettre en vigueur. Une preuve en fut fournit le 7
mars 1778 lorsque la Cour du Parlement ordonna la réformation, dans les
registres paroissiaux, de plusieurs actes de baptême à Hargicourt, Jeancourt,
Nauroy, afin de corriger la grossièreté des termes employés par certains curés
lors des naissances d’enfants réformés. Un certain découragement envahit
les curés alors que les réformés, toujours craintifs mais reprenant espoir,
organisaient à Bohain leur premier synode, réunissant les représentants des
Eglises de Picardie, Cambrésis, Orléanais et Berry (24, 25, 26 novembre 1779).
Comme
un certain nombre de ses prédécesseurs, le ministre Dolivat, entraîné par un
excès de zèle, se mit à manquer de prudence. Les réunions religieuses
qu’il organisait en secret, furent découvertes et dénoncées. Ses ennemis le
firent arrêter pour crime. Il fut emprisonné à Saint-Quentin et n’obtint
son élargissement qu’à la condition expresse de ne plus prêcher[19].
Immédiatement
après le départ de Dolivat, arriva en 1780 le ministre Jean-Baptiste Née[20],
bien décidé à se montrer plus prudent que son prédécesseur. Il connaissait
bien la région, son père étant né à côté de Templeux-le-Guérard, et il
possédait beaucoup de cousins et amis dans la région. Il prit d’abord sa résidence
à Bohain puis, deux ans plus tard à Templeux, chez monsieur Louis Drancourt.
En 1783, il dut pourvoir de plus au service de l’Eglise de Quiévy, vacante
depuis le départ de monsieur Fonbonne-Duvernet. Un an après, il se décida à fixer son domicile à
Saint-Quentin en se faisant passer aux yeux des autorités pour un professeur de
français donnant des cours aux étrangers. Son action s’exerçait secrètement
en visites à tous les coreligionnaires de la province. Sans cesse par monts et
par vaux, il organisait les cultes et les réunions, baptisait, mariait[21],
... L’édit de tolérance L’édit
de novembre 1787, dit édit de tolérance,
enregistré par le parlement le 29 janvier 1788, ouvrit aux réformés
une ère nouvelle et leur rendit enfin une partie de leurs droits. Dorénavant,
les protestants auraient le droit de jouir des biens leur appartenant en propriété
ou en succession. Dorénavant, ils pouvaient exercer tous commerces, arts, métiers
et professions. Ils avaient le droit de contracter mariage. Cette dernière
disposition avait un effet rétroactif. Cela permit à ceux qui possédaient un
acte de mariage établi par un pasteur, même plusieurs années auparavant, de
faire valider leur mariage. A Saint-Quentin, Jeancourt, Nauroy, Hargicourt,
etc., les mariages furent réhabilités devant les officiers de justice de
Saint-Quentin. A Templeux, ils furent réitérés au bailliage (Péronne). Quant
aux ministres, l’édit restait muet à ce sujet. Mais ses concessions
explicites en entraînaient de sous-entendues. Comment en effet baptiser, marier
et inhumer sans pasteur ? Par ailleurs, les conditions qui devaient
distinguer le culte public du culte privé n’étaient pas spécifiées. Mais
le roi avait manifesté devant le parlement de Paris son intention d’adoucir
les lois pénales qui blessaient les droits de l’humanité. Des assemblées
religieuses eurent donc lieu, au risque et péril des assistants. En pratique,
le traitement fait aux protestants dépendait du bon vouloir des intendants. En
ce qui concernait les sépultures des protestants, les formalités compliquées
et coûteuses de la déclaration de 1736 cessèrent complètement d’être
appliquées. Louis XVI en avait d’ailleurs déjà fait abolir les taxes depuis
plusieurs années. Le régime de tolérance ne fut qu’une courte étape dans la marche désormais rapide des principes libéraux. En août 1789, l’Assemblée décréta que : « ....Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Et un peu plus tard : « ...Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre établi par la loi. » Le 10 juillet 1790 l’Assemblée rendit à leurs ayants droit les biens des réformés réfugiés à l’étranger. [1] Jacques II accorda cette dérogation à dix pasteurs réformés réfugiés. [2] Comme l’Eglise de Picardie, l’Eglise française créée en Angleterre fut organisée suivant le système dit « de Charenton ». [3] Samuel Métayer desservit les Eglises de la Nouvelle Patente et de la Patente de Soho. Il mourut en 1707 alors qu’il était depuis vingt ans ministre de Thorpe-le-Soken (Essex). [4] NDLR. : Le tribunal des traites jugeait des infractions douanières. [5] Il s’agit vraisemblablement du sieur Salomon Bernard, ci-devant ministre en Vivarais, accusé sans fondement par les Pères Récollets d’avoir entretenu des intelligences avec l’Angleterre et condamné à être pendu, qui s’était enfui en Suisse puis en Hollande. [6] Les Eglises de Templeux, le Ronssoy, Lempire, Hargicourt, Jeancourt, Vendelles et Nauroy seraient pour ainsi dire « nées » de ces réunions. [7] Le malheureux curé signe la lettre envoyée à l’intendant : Frassen, prêtre indigne, curé de Remigny. [8] Ceci est attesté dans le mémoire adressé au roi par Ponchartrain en 1700. [9] NDLR : Rappelons qu’à la fin du règne de Louis XIV, tous les sujets du roi étaient sensés être catholiques. Les huguenots étaient traités de Nouveaux Convertis, qu’ils aient ou non abjuré. [10] Templeux fut envahi par la maréchaussée pendant une nuit de mai 1716 et en août et novembre 1717. [11] NDLR : Catherine Leloir est morte le 21 octobre 1717 (source registres paroissiaux). [12] Il s’agit de Hubert Flamant de Templeux et de Michel Eusèbe du Ronssoy, qui ne furent élargis qu’en juin1718, après la « conversion » de ce dernier. [13] NDLR : Les troupes hollandaises occupaient les villes de la Barrière, pour le compte des Espagnols, depuis 1713. On trouve trace de mariages protestants picards à Tournai dès 1719 dans le registre du curé de Templeux-le-Guérard. [14] A Saint-Quentin, le jardin de Pierre Petit, brasseur et le jardin de Cyprien Testart servirent de cimetières. [15] Le ministre des affaires générales de la religion protestante était Saint-Florentin, duc de la Vrillière. [16] Après s’être retiré à Paris en 1773, Jean Baptiste Briatte desservit quelques mois en 1775 l’Eglise de Sedan et quitta la France. Il mourut à Maestricht le 14 avril 1793. [19] Le ministre Dolivat quitta la France et se retira en Hollande. [20] Jean Baptiste Née était né en 1756 à Vraignes-les-Hornoy (80). [21] Les Eglises de la Barrière n’existaient plus, le traité de Fontainebleau ayant supprimé les garnisons tenues par les troupes hollandaises (10 novembre 1785). |
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