Informations protestantes de Montbrehain (Aisne)

(tirées de l’ouvrage de Jean Bouderlique « La mémoire de Montbrehain », tome 1, ici publiées avec l'aimable autorisation de l'auteur)

Les Protestants de Montbrehain

C'est par l'intermédiaire de M. Michel ROTH, professeur agrégé demeurant à Anglet (Pyrénées Atlantiques) et dont les origines montbrehainoises ont été retrouvées, que je puis présenter « Les protestants de Montbrehain ». Je le cite: 

« Je suis passé jadis dans ce petit village où mes aïeux COCHET et MALFUSON ont vécu au 19ème siècle. Vous aviez retrouvé pour moi le berceau des COCHET, menuisiers de père en fils et catholiques au 18ème siècle au Grand-Verly.

Jean-Jacques COCHET (1741-1806), veuf de Marie-Barbe LEGRAND (1741- 1773), se remaria en 1776 à Montbrehain, à Marie-Pélagie VATIN (1753-1813). Leur fils Norbert est né à Montbrehain le 3 janvier 1790. Il y mourut en 1857, ayant épousé en 1815 Marie-Anne, Amélie, Séraphine MALFUSON (1794-1877) qui y tenait épicerie comme son père Nicolas Noé (1740-1820), originaire de Brancourt le Grand, lui-même fils d'Antoine et de Marie VILLETTE, mariés protestants à l'église wallonne de Tournai en 1738. Il fallut, à cause des persécutions, toujours faire baptiser le fils à Annois (Aisne) en 1740. Ce Nicolas NOÉ se maria deux fois : la première à Tournai en 1766 avec Marie-Françoise de LASSUS et la seconde à Templeux-le-Guérard (Somme) en 1786 avec Madelaine de LAPORTE.

Du mariage COCHET-MALFUSON en 1815 sont nés plusieurs enfants, en particulier mon arrière grand-père, Eugène COCHET (1818-1878) et le célèbre missionnaire en Afrique du Sud : Louis COCHET, né à Montbrehain en 1815 et mort là-bas en 1876.

Pour en finir avec Eugène COCHET, menuisier et évangéliste qui mourut jeune à Nauroy où il avait épousé en 1850 « Sara » BAS (1828-1916), ils eurent trois fils dont deux pasteurs et une fille Alice (1862-1948) qui a épousé en 1885 à Beaune (Côte d'Or) le pasteur jean ROTH (1861-1826). Ces derniers sont les grands-parents de l'auteur de cette lettre. Ma grand-mère ROTH parlait sans arrêt de ses souvenirs de jeunesse à Nauroy qu'elle quitta pour une pension à la mort de son père. Enfant, elle allait à Montbrehain voir sa grand mère COCHET, née MALFUSON.

La vitalité des petites paroisses protestantes comme Nauroy et Montbrehain au siècle dernier, après le mouvement du « Réveil » à partir de 1820, doit beaucoup à l'influence du pasteur VERNES à Nauroy de 1841 à 1851. En 1847, il devint Président du Consistoire de Saint-Quentin. 

Le pasteur Louis Philippe VERNES (1815-1906) d'une famille de célèbres banquiers dont les représentants actuels sont encore très riches, serait à l'origine de la vocation de nombreux pasteurs nés à Nauroy, Montbrehain et alentours du début du siècle dernier. Le banquier VERNES issu de cette famille est mort tout récemment à Paris. »

Pour compléter cette étude historique, ajoutons que vers 1691, le pasteur GIVRY organisa des réunions secrètes de nuit, à la Boite à Cailloux, près d'HESBECOURT (Somme). Les protestants de Bohain et de Fresnoy-le-Grand passaient par le « chemin des Huguenots » sur les terroirs de Montbrehain pendant les guerres de religion et sous Louis XIV pour se rendre à cette réunion. Au lieu-dit « Boite à Cailloux », un monument commémoratif a été créé en 1829. C'est le berceau des sept églises : MONTBREHAIN, NAUROY, HARGICOURT, TEMPLEUX LE GUERARD, JEANCOURT, LEMPIRE, VENDELLES (Référence Pasteur PANNIER).

Des références historiques complètent cette étude.

L'Edit de Nantes (1598) avait autorisé les protestants à pratiquer leur culte dans deux localités par bailliage. Pour notre région, ce fut Lehaucourt qui fut choisi sur les terres de la famille protestante d'AUMALE. On y vit jusqu'à 9.000 communiants. Mais en 1683, l'exercice du culte y fut interdit, nous étions sous Louis XIV et celui-ci voulait rétablir la «  Religion d'Etat ». 

Il commença par tracasser les protestants en leur interdisant tout ce que l'Edit de Nantes ne leur accordait pas expressément, il les surchargea d'impôts, les poussa à l'abjuration, institua les « dragonnades » et ferma les temples. La révocation de l'Edit de Nantes eut lieu deux ans plus tard (1685).

Les tracasseries furent particulièrement rigoureuses dans les régions frontières et nous y étions (Prémont était en terre espagnole).

C'était sans compter sur la foi Huguenote qui réagit en créant les « églises du désert » dont la « boite à cailloux » est une illustration locale.

« C'est à l'ouest qu'au temps des persécutions, on se réunit, dans les régions moins fréquentées. Or, il fallait passer par Nauroy. Ils partaient de Bohain par petits groupes, à la tombée de la nuit ; ceux de Brancourt se joignaient à eux. On prenait un moment de repos à Montbrehain ou à Nauroy chez des parents ou des amis chez qui on chantait quelques psaumes,,,

Et eux-aussi, un jour suivaient plus loin à travers bois pour assister aux réunions de la « Boite à cailloux »,,, s'ils n'étaient pas des espions ou des traîtres, plusieurs revenaient « retournés » (convertis).

En octobre 1691, un pasteur originaire de Vervins, émigré après la révocation, Gardien GIVRY arriva à Saint-Quentin ; c'est lui qui passe pour avoir tenu les premières réunions de la « Boite à cailloux », bien qu'il ait pu y en avoir d'autres avant lui, en l'absence de tout pasteur. Quatre députés de sept villages vinrent le prier de passer chez eux parce qu'ils voulaient abandonner le catholicisme, Le dimanche suivant, un de ces députés mena GIVRY dans un vallon étaient réunies 500 personnes. Toutes déclarèrent qu'elles voulaient abjurer et il prêcha dans cette assemblée depuis 9 heures du soir jusqu'à minuit, à la lueur des feux et des flambeaux ; mais il ne voulut pas pour cela recevoir leur abjuration, afin qu'elles n'eussent aucun sujet de dire qu'on les avait surprises, Il les remit au dimanche suivant, et l'assemblée s'étant faite au même endroit et à la même heure, il essaya de faire comprendre à tous ses auditeurs les avantages de la « Religion prétendue Réformée », et en même temps les dangers temporels auxquels s'exposaient ceux qui demandaient à la suivre mais tous ayant répondu qu'ils ne voulaient plus être de la communion de Rome, il reçut toutes leurs abjurations, »

Ces centaines d'abjurations émurent fortement les autorités qui cherchèrent à introduire des espions dans les milieux Huguenots de façon à arrêter les guides et les meneurs.

GIVRY fut arrêté à Paris en mai 1692 mais les assemblées continuèrent.  

Les intendants Bossuet et Chauvelin reçurent de vifs reproches : «Sa Majesté a appris avec étonnement qu'un tel désordre soit arrivé dans votre département sans que vous en ayez été averti ; elle m'ordonne de vous dire que vous ne devez rien négliger pour en empêcher le progrès ».

« Entre plusieurs avis qui ont été donnés au Roi, de ceux qui sortent pour passer dans les pays étrangers, il y en a un qui porte qu'il y a six guides qui font passer les religionnaires dans la ville de Bohain en Picardie, ils séjournent s'ils veulent et que, lorsque les guides sont las, ou qu'ils veulent retourner à Paris pour en prendre d'autres, ils mettent ces réfugiés entre les mains de 6 ou 8 autres du même village, qui achèvent de les conduire et qu'enfin ce village n'est rempli que de guides ; sur quoi sa Majesté m'ordonne de vous faire part de cet avis afin que vous puissiez prendre des mesures pour faire arrêter ceux qui se trouveront coupables de ce mauvais commerce. »

(Lettre de Seignelay (Lieutenant Général de la Police) à Chauvelin, intendant de Picardie, 5 novembre 1686.)

Après 1724, nouvelles persécutions : Louis XV ordonna à ses officiers de faire respecter les ordres suivants :

« Défendons à tous nos sujets de faire aucun exercice de religion autre que la religion catholique, et de s'assembler pour cet effet en aucun lieu et sous quelque prétexte que ce puisse être, à peine contre les hommes des galères perpétuelles, et contre les femmes d'être rasées et enfermées pour toujours dans des lieux que nos juges estimeront à propos, avec confiscation des biens...

... Ordonnons à ceux qui ont cy-devant professé la R,P.R, ou qui sont nés de parents qui en ont fait profession, de faire baptiser leurs enfants dans les églises des paroisses ils demeurent, dans les 24 heures après leur naissance... »,

Ces consignes furent exécutées avec la plus grande rigueur dans le Vermandois.

Les persécutions, menaces, vexations, amendes, arrestations... durèrent jusqu'à l'Edit de Tolérance de 1787.

Après deux siècles de persécutions, les Rois n'avaient pas réussi à extirper la foi huguenote, ils avaient au contraire fortifié ses racines. Il fallut attendre l'Assemblée Constituante pour que l'égalité complète de tous les citoyens soit proclamée, pour que cessent les mariages dans le « désert », entendez par là des célébrations religieuses en mille lieux isolés tels « La Boite à cailloux » où convergeaient des chemins tels notre « Voie des Huguenots ».

Quelqu'un a dit un jour : « La terre sue d'histoire ». Je crois bien qu'il s'agissait de Gabriel Hanotaux, un Picard !...., Sachons recueillir les Perles qui suintent de son front.

Un lieu-dit : le chemin des huguenots

Ce chemin des Huguenots conduisait du côté de Sequehart, de Levergies, de Lehaucourt et de Lesdins et c'est ce chemin que les protestants domiciliés à Montbrehain suivaient aux dix-septième et dix-huitième siècles pour aller à Levergies, au lieu-dit La Croix-Saint-Laurent, à Lehaucourt ou sur la route de Saint-Quentin à Bohain, en avant de Lesdins et en face d'Omissy, au lieudit « l'Arbre du Ramasseur », entendre les ministres qui prêchaient l'évangile.

On sait que Lehaucourt a été pendant longtemps un des principaux centres de réunion des fidèles de la religion protestante et que les endroits où se trouvent la chapelle Saint-Meurant et le lieudit L'Arbre du Ramasseur ont été aussi des lieux où s'assemblaient les protestants de nos environs, obligés de s'éloigner de leurs villages pour entendre la voix de leurs pasteurs.


Noms des vieilles familles huguenotes de Montbrehain ayant assisté aux assemblées du Désert

ANNEE 1772

Famille MALFUSON Famille BERDEAUX
Famille Simon HAZARD Famille LEDUC LENGLET
Famille DRISBOURG Famille DENIS
Famille POTENTIER Famille AGISSON

 


Souvenirs de BOHAIN et des Eglises de BRANCOURT et MONTBREHAIN

A Bohain

  • 1673 Le 4 janvier, DEFREMONT abjure sa foi comme protestant

  • 1685 Le 30 avril, Abraham BRIQUET abjure sa foi comme protestant.

  • Le 30 novembre, abjuration de 30 Protestants

  • 1733 Le 18 mai, Anne MONNEUSE abjuration

  • 1763 Le 29 juillet, Baptème de Marie-Rose, fille de Jean-Luois BRION mulquinier Baptème de Louis-Jacob, fils de Pierre-Nicolas MALFUSON et de Marie-Louise HUBERT, de la religion réformée

  • l788/89 Le bailli de BOHAIN reçoit la déclaration de 7 mariages protestants

A Brancourt le Grand

  • 1685 Le 13 décembre, abjuration de 14 Protestants

A Montbrehain

  • 1792 Le 27 décembre, 3 enfants de Pierre-Nicolas LEDUC partent pour l'exil et vont se réfugier à Londres.


LE TEMPLE PROTESTANT

« Il a été bâti en l'année 1920. Il fut construit par une entreprise sans scrupule. L'hiver arriva. L'eau coula tout l’hiver le long des murs. Il n'était pas fini. On grelottait dans le temple qui faisait perdre l'attention ».

En 1803, le nombre de protestants de Montbrehain était de 180.

En 1806, l’église protestante faisait partie de la circonscription pastorale d'Hargicourt

Détruit à la guerre de 1914-18, il fut reconstruit et il est situé sur la rue qui porte son nom. Il est à présent désaffecté et sert de lieu d'exposition.



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