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Le 22 du même mois, avant de retourner à Paris, M. Willemarthe dit à Pruvot: Je voudrais bien vous aider à faire quelques études, mais cela est difficile à cause de votre âge et de votre famille l Cependant je vous conseille de voir si vous pourrez apprendre la grammaire française avec l'aide de M. Dusart ; et il donna à Pruvot cinq francs pour acheter des livres.

Dès lors Pruvot se mit à étudier en travaillant et en mangeant son pain. Et chaque soir, après sa journée de travail, il allait chez Dusart pour prendre la leçon. Le Seigneur le bénit dans ses études, de sorte que sur la fin de l'année, il connaissait les six espèces de mots de la grammaire et qu'il pouvait passablement analyser.

M. Dusart, satisfait des progrès de Pruvot, lui fit faire une composition qu'il envoya à M. Willemarthe. Et ce dernier, satisfait, envoya 100 francs à Pruvot avec ordre d'employer la moitié de son temps à étudier. Ainsi il travaillait le matin sur son métier et l'après-midi il étudiait.

Ainsi ce fut le premier janvier 1836, que Pruvot commença à être aidé par là société baptiste américaine, pour qu'il puisse faire quelques études en prêchant l'Evangile.

Pruvot avait alors trente-deux ans et demi; il avait quatre enfants. Il y avait alors neuf années que sans aucun salaire, Pruvot prêchait l'Evangile, et qu'il faisait les enterrements, avec son oncle Valentin, à Bertry, et dans les environs.

Quand Dusart arriva à Bertry, il n'y avait pas encore de chaire dans le temple, il en fit faire une petite en bois blanc, qu’il paya de sa bourse.

Tout ne fut pas rose pour le pauvre Dusart ; il eut beaucoup à lutter contre les Irvingiens, contre les catholiques romains, contre les protestants nationaux et même contre les baptistes. Il le disait lui-même. M. Gambier qui allait toujours de temps à autre à Bertry était contre lui. Et cela faisait chanceler Dusart dans ses principes de baptiste exclusif.

Cependant il allait à Reumont toutes les semaines, le jeudi soir, pour tâcher de ramener ceux qui étaient égarés dans la doctrine Irvingienne et pour soutenir ceux qui étaient encore debout afin de les empêcher de tomber.

Il allait aussi à Montigny pour faire la même oeuvre. Mais sans résultat.

MM. Colani de Lemé, et Vivien d'Arras, se rendirent aussi tour à tour à Reumont et à Bertry pour le même sujet. Mais ils ne purent arrêter aucun de ceux ou celles qui étaient lancés dans ces nouvelles doctrines.

Car bien des gens qui n'avaient pas pu être reçus à la communion dans les Eglises dissidentes, se vengèrent en se joignant aux Irvingiens. A Reumont les Irvingiens furent tellement nombreux comparativement, qu'ils s'emparèrent du temple. Et les autres, qui ne formaient plus qu'un tiers de l'assemblée, durent se réunir dans un autre local.

A Montigny, il n'en échappa qu'un seul ; à Ligny plusieurs furent entraînés; à Quiévy il en arriva tout autant des dissidents; à Saulzoir, tous les dissidents furent entraînés dans les erreurs des Irvingiens. Mais, grâce à Dieu, à Bertry, il n'y eut que quelques personnes exaltées qui furent entraînées.

Enfin tous ces Irvingiens s'organisèrent : leurs apôtres les dirigeaient. Ils établirent des anges, des Pasteurs, des prophètes, des Evangélistes, etc., enfin ils eurent toute une série de ministères. C'était l'Esprit qui les choisissait; mais cet Esprit avait soin de choisir des hommes qui avaient reçu une certaine éducation, et surtout des hommes entêtés.

Les Baptistes de Bertry n'avaient pas seulement à lutter contre les Irvingiens; mais, comme nous l'avons dit de M. Dusart, nous le disons aussi à leur égard, ils avaient à lutter contre les Méthodistes, contre les Nationaux, contre les Catholiques romains, et même contre les Chrétiens, et les chrétiens baptistes. Car l'Eglise de Bertry était strictement baptiste, c'est-à-dire que depuis que M. Dusart y était pasteur, elle ne recevait à la sainte Cène que ceux qui avaient été baptisés par immersion, après avoir donné un témoignage de leur foi.

Il était très naturel que les Baptistes parlassent de leur doctrine distinctive; et que comme tous les autres ils parlassent de l'obéissance à Dieu. Et qu'ils baptisassent ceux qui se présentaient au baptême. Mais cet état de chose fut cause que les Nationaux se séparèrent encore une fois. Parce que quand on parlait d'obéir à la Parole de Dieu, ils croyaient toujours que c'était pour eux qu'on disait cela ; à cause qu'ils ne voulaient pas être baptisés par immersion.

[...]

Dans le mois d'avril 1836, M. Willemarthe, son beau-frère Willard, puis un autre monsieur nommé Scheldon, tous trois américains, habitant Paris depuis quelque temps, arrivèrent à Bertry, chez M. Dusart. Ces hommes parlèrent beaucoup [avec Pruvot] qui les conduisit dans les visites qu'ils firent à Bertry. Dusart leur montra une narration que Pruvot avait écrite ; l'ayant trouvée passablement bonne, ils décidèrent que Pruvot emploierait tout son temps à étudier et qu'il aiderait Dusart dans son oeuvre [...].

Dans le courant du mois de mai de la même année, le bruit courut que les Irvingiens avaient fait un miracle à Saulzoir. Pour savoir ce qui en était, Dusart et Pruvot prirent le parti d'aller sur les lieux et visitèrent la personne qui, soi-disant, avait été guérie. C'était une jeune fille de dix-huit ans, et orpheline. Elle avait été élevée par ses parents sans religion, et elle restait alors chez une femme protestante qui avait embrassé les principes Irvingiens, ainsi que cette jeune fille qui, depuis lors, était devenue malade, c'est-à-dire qu'elle avait eu mal aux reins et aux jambes, de telle sorte qu'elle ne pouvait marcher qu'en s'appuyant où elle pouvait, ou à l'aide de béquilles.

Et à la suite d'une prière faite par M. Duproix, ange de l'Eglise lrvingienne de Saulzoir, cette jeune fille se mit à marcher librement. C'est cette personne elle-même qui a donné ces renseignements aux deux visiteurs. Elle n'avait pas du tout l'apparence d'être exaltée. Elle leur a même dit que M. Duproix n'appelait pas cela un miracle ; mais qu'il avait dit que c'était une prière exaucée.

Les visiteurs lui ont demandé si pendant sa maladie, elle avait eu un médecin.

Elle a répondu : Oui, le médecin d'Ossy est venu. Les visiteurs sont à l'instant partis pour Ossy, afin de voir le médecin ; mais il n'y était pas. Alors M. Dusart pria la dame du médecin de vouloir bien dire à son mari que le Pasteur Protestant de Bertry était venu pour avoir des renseignements sur la maladie de cette demoiselle de Saulzoir, et sur sa guérison. Dusart donna son adresse.

Le troisième jour M. Dusart reçut du médecin une lettre ainsi conçue. Je fus appelé; j'ai visité la demoiselle que j'ai trouvée malade. J'y suis allé une seconde fois. J'ai trouvé guérison présumée, Par un traitement moral appliqué à un cerveau susceptible de Conviction. Voilà le miracle.

Le lundi 11 juillet, Pruvot partit pour Douai, afin d'y continuer ses études sous la direction des Pasteurs Baptistes américains, qui avaient quitté Paris pour se fixer à Douai. Et au bout d'un mois Pruvot retourna à Bertry pour y aller chercher sa famille.

On ouvrit bientôt un culte évangélique à Douai, où il n'y avait pas, jusqu'alors, de culte protestant.

Pendant trois ans, M. Willard y prêcha en anglais, et Pruvot y prêcha en français.

Mais revenons à Bertry.

Depuis le commencement de juillet [1836], jusqu'à la fin de septembre, on avait achevé le temple des Baptistes, et toujours sans secours des Nationaux ; au contraire ils avaient cherché à détourner une famille [...] en disant : ces jours-ci on vous demandera encore de l'argent pour achever le temple. Mais cette famille a tenu bon. On peut dire que les Baptistes ont supporté à eux seuls tous les frais du temple. Car quand on faisait des souscriptions, les nationaux étaient toujours séparés. Mais pour achever le temple, MM. Willemarthe et Willard sont venus au secours des baptistes, en souscrivant eux-mêmes pour une somme de 600 francs. De sorte que le temple fut pavé, que le plafond fut fait et le temple garni de bancs pour le troisième dimanche de septembre. Et Messieurs les Américains en ont eux-mêmes fait l'inauguration ce jour-là avec M. Dusart. C'était la petite fête à Bertry.

Les nationaux ont assisté au service de cette inauguration. Et depuis lors, ils ne se sont plus séparés ; parce que M. Dusart qui aimait un bel auditoire, leur faisait des concessions : par exemple : sa chaire était au service de M. Gambier et de tout autre Pasteur Chrétien, et des Nationaux.

Mais si les pasteurs américains avaient su à temps que le temple était donné au Consistoire, ils l'ont déclaré, ils n'auraient rien donné pour l'achever [...] .

M. Dusart était toujours à Bertry, luttant tantôt avec l'un, tantôt avec l'autre. Mais malgré tout l'oeuvre évangélique se fortifiait ; car les réunions dans la semaine faisaient du bien ; au point que Louis Poulain et plusieurs de ses fils prenaient part à l'édification dans les cultes du dimanche et dans les assemblées particulières, en faisant la prière à leur tour et en expliquant une portion de la parole de Dieu. Et ils en sont arrivés au point de pouvoir au besoin présider une réunion. C'est ce qu'[ils] ont fait souvent à Beaumont chez le père Bardiaux.

Et comme nous l'avons dit, la chaire du temple de Bertry, était ouverte librement à tous les pasteurs chrétiens. Mais le temple de Reumont n'était plus ouvert qu'aux Irvingiens.

Mais à propos d'Irvingiens, il est arrivé à Bertry une chose curieuse. Jean-Baptiste Herbet qui [...] avait embrassé leurs doctrines, voulut, par son grand zèle pour cette secte, manifester sa foi d'un<e manière évidente. Voici comment : Une de ses voisines qui lui était un peu parente, était impotente et malade depuis plusieurs années, et il la visitait souvent. Rien de mieux, et il lui disait que si elle avait la foi en la puissance de Dieu, elle serait bientôt guérie. Il l'exhorta si bien, qu'un jour elle lui dit qu'elle croyait et qu'elle avait grand désir d'être guérie. Enfin la croyant bien affermie dans la foi, Herbet s'approcha du lit de la malade, avec un ton imposant, comme ont tous les ministres Irvingiens, lui dit : Anne Joseph, Je te le dis : Au nom de Jésus de Nazareth, lève-toi et marche !

La pauvre femme fit tous les efforts possibles pour se lever ; car elle avait la bonne volonté ; mais il lui fut impossible de quitter le lit. Alors elle dit à Herbet : Cousin je ne peux. Le miracle est manqué- On peut comprendre que cela fit grand scandale contre les Protestants. Les Catholiques romains en riaient, en disant : Ils deviennent fous ces protestants-là ; car les Catholiques romains ne savent pas comprendre ce qui distingue les uns des autres. Mais Cela fut aussi humiliant pour les Irvingiens, qui avaient la prétention de faire des miracles. Aussi Herbet, qui croyait avancer, recula encore Une fois. Et il fut repris vivement par ses supérieurs. On lui à dit qu'il avait été poussé par un mauvais esprit à vouloir faire un miracle sans en avoir reçu la vocation. Il y a beaucoup de vrai dans ce reproche [...].

Cela s'est passé à Bertry, en l'hiver de 1836-1837.

Revenons-en à nos propres Eglises.

L'Eglise Baptiste de Douai et celle de Bertry marchaient ensemble, et suivaient la même règle. Elles avaient la sainte Bible pour base de leur foi et pour règle de leur conduite. Elles n'étaient point rattachées aux gouvernements de ce monde ; mais elles leur étaient soumises, selon la parole de Dieu. Elles ne demandaient aux souverains de la terre, que la liberté de servir Dieu selon sa parole et selon leur propre conscience.

Elles avaient adopté un épitomé de profession de fut dressé par le Révérend Irah Chase, professeur de Théologie Biblique à Newton, Etat de Massachusets, et s'accordant en substance avec les articles de foi généralement adoptés aux Etats-Unis par les Eglises Baptistes [...].

Sommaire de foi et de doctrine.

Art. I. Nous croyons que la sainte Bible a été écrite par des hommes inspirés de Dieu ; ... (sic).

Art. Il. Que l'homme fut créé saint ; mais qu'en violant volontairement la loi de son Créateur, il est déchu de son état primitif, ... (sic).

Art. III. Que la seule voie de salut que nous ayons pour nous délivrer de cet état de crime et de condamnation, c'est celle qui nous est ouverte par le sacrifice de Jésus-Christ, ... (sic).

Art. IV. Que tous ceux qui croient et obéissent à l'Evangile, ont été élus en Jésus-Christ avant la fondation du monde par celui qui voit la fin dès le commencement, ... (sic).

Art. V. Que rien ne peut séparer les vrais croyants de l'amour de Dieu; ... (sic).

Art. VI. Que ceux-là seuls qui font profession de croire en Jésus-Christ, ont le caractère nécessaire et convenable pour être admis au baptême et à la communion, et que le baptême n'est réellement et valablement administré que par immersion, ... (sic).

Art. VII. Que conformément à l'exemple des apôtres et des premiers Chrétiens, ..., le premier jour de la semaine doit être observé comme jour du Seigneur, ou sabbat des Chrétiens... (sic).

Art. VIII. Qu'il y aura une résurrection des bons et des méchants et que le Seigneur Jésus-Christ viendra juger les vivants et les morts j ... (sic), [...]

Le règlement ci-dessus a été signé par :

1. Louis Dussart, Pasteur.

2. Valentin Poulain, Diacre.

3, Pierre-Joseph Jonquoi.

4. Jean-Philippe Rocquet.

5. Théophile Herbet,

6. Elie Moity,

7. Pierre-Louis Laforge, 8, Benoît Louvet.

9. Victoire Meresse,

10, Mamie Meresse.

Il, Julie Dusart née Fontaine.

12. Julie Cattlain, W[alin]court,

13. Thérèse Poulain. Ligny.

14. Jean-Baptiste Brochet. Clary.

15. Espérance Poulain. Bertry.

16. Clémentine Louvet. Bertry.

17. Amélie Poulain. Ligny.

18 Pierre Proy. Walincourt.

19. Joachim Proy. Walincourt.

20. Jean-Baptiste Crinon. Ligny.

21. Jean-Baptiste Arpin. Caullery.

22. Mme Crinon. Ligny.

23. Elie Lefèvre. Bertry.

24. Judith Rocquet. Bertry.

On peut voir par le règlement ci-dessus, que l'Eglise baptiste de Bertry était établie sur le véritable fondement, la sainte Bible [...].

Pruvot était assez heureux et tranquille à Douai, en étudiant ; il s'occupait de l'instruction religieuse des jeunes gens, et il prêchait en français chaque dimanche, le matin, tandis que M. Willard prêchait en anglais le soir.

Mais dans le courant du mois de mars 1839, Dusart arriva un jour au soir chez Pruvot et lui dit : Je m'en vais à Nomain pour soutenir les Baptistes qu'Ubald Waquier cherche à faire rentrer dans l'Eglise Nationale. Chose qui surprendra quand on saura qu'Ubald était lui-même Baptiste ; mais comme il n'était pas employé par la société baptiste, il s'est déclaré Baptiste large et a fait la guerre aux baptistes stricts, ou étroits, en poussant les Baptistes de l'Eglise de Nomain à rentrer dans l'Eglise nationale, ou officielle. Dusart dit à Pruvot en même temps : Ne dites rien ; mais probablement que vous retournerez bientôt à Bertry pour vous y fixer et m'y remplacer; et moi, je m'établirai à Nomain définitivement.

Cela ne plut que tout juste à Pruvot; parce qu'il connaissait le terrain des Baptistes de Bertry.

Ce même soir Pruvot fut appelé chez M, Willard. Et celui-ci lui dit ; M. Pruvot, êtes-vous disposé pour aller remplacer M, Dusart à Bertry pour six semaines ? Pruvot répondit : Je le veux bien.

Deux jours après Dusart partit de Douai pour Nomain, et Pruvot partit de Douai pour Bertry.

Comme il était tard, Pruvot n'alla ce jour-là que jusqu'à Cambrai ; mais le lendemain, il arriva à Bertry à 9 heures du matin chez Mme Dusart où il resta pendant quelques jours [...].

Mais au lieu d'être six semaines à Bertry chez ses parents, il n'y prêcha que quatre dimanches, parce qu'il fut rappelé à Douai pour un homme malade qui mourut, et dont Pruvot fit l'enterrement. Mais pendant que ces choses se passaient à Douai, Mme Dusart avait fait part à quelques membres de l'Eglise baptiste des quelques propositions que Pruvot lui avait confiées. Alors on réunit l'Eglise, sous la présidence de M. Valentin Poulain, et on écrivit une lettre à M. Willard pour lui dire que l'Eglise de Bertry n'approuvait pas le changement qu'il voulait faire.

Mais ces Messieurs eurent la maladresse d'envoyer leur lettre à Pruvot, pour la remettre à M. Willard. Pruvot remit la lettre à qui il devait [...]. Mais M. Willard ne lui en dit rien.

Pruvot fut si intrigué [...] qu'il devint indiscret, et dit à M. willard : Monsieur, je crois que ces Messieurs de Bertry vous ont fait quelques observations contre moi [...]. M. Willard lui répondit : Les amis de Bertry n'ont rien dit contre vous [...].

[…] Il lui fit entendre [...] que les Baptistes de Bertry lui avaient dit par leur lettre, à lui Willard, qu'on ne devait pas ainsi ôter son Pasteur à une Eglise pour lui en donner un autre, que les Eglises devaient choisir leurs Pasteurs. Car il a dit : Si l'Eglise de Bertry veut choisir son Pasteur, elle est libre de le faire ; mais pour cela il faut qu'elle le paie.

Ce que M. Willard disait à Pruvot était juste ; car puisque les pasteurs n'étaient pas salariés par les Eglises, mais par la société baptiste américaine, le directeur de cette société était bien libre de placer ses agents où on voulait les accepter, et de les changer selon sa volonté. Mais celui qui dirigeait l'opposition que faisait l'Eglise baptiste de Bertry, c'était Valentin Poulain. [...] il n'était point fâché du départ de Dusart ; seulement il aurait voulu que ce fût lui qui le remplaçât.

Ce qui le prouve, c'est qu'il en arriva jusqu'à dire que ce ne serait pas de son vivant, que Pruvot serait Pasteur Baptiste à Bertry.

Et, pour raison, il a dit aux membres de l'Eglise : Un enfant donnerait-il du pain à son père? Voulant dire par là qu'étant le père en la foi de Pruvot, celui-ci lui était inférieur, et ne pouvait pas être son Pasteur. Et pendant que Pruvot était encore à Douai, l'Eglise de Bertry, voyant qu'elle n'avait rien gagné sur les décisions de M. Willard, s'est réunie pour délibérer sur les conditions d'après lesquelles elle recevrait Pruvot.

On peut voir ci-après un extrait du registre de ses délibérations.

Le 1er avril de l'an du Seigneur 1839, l'Eglise Evangélique baptiste de Bertry, s'est réunie extraordinairement [...]. Après avoir considéré et reconnu l'urgence du déplacement du frère Dusart pour aller au secours de l'Eglise baptiste de Nomain, il fut résolu que ce frère demeurerait le Pasteur de l'Eglise, et que le frère Jean Baptiste Pruvot serait placé à Bertry comme Evangéliste, que le frère Valentin Poulain, comme Diacre de l'Eglise, lui serait adjoint et que ce serait lui, Valentin, qui administrerait la sainte Cène en l'absence de Dusart. Bien entendu que ce dernier continuerait à être le Pasteur de l'Eglise de Bertry et qu'il s'y rendrait chaque deux mois, pour y exercer les fonctions de sa charge. Il fut aussi arrêté qu'on proposerait à la société baptiste américaine d'accorder une Certaine rétribution au frère V. Poulain pour travailler à l'oeuvre du Seigneur à Bertry et dans les environs ; parce que ce frère possédait des dons pour travailler à cette oeuvre et qu'en outre il jouissait d'une grande confiance dans l'Eglise et même en dehors.

Dusart quitta Bertry le 23 avril 1839, et partit avec sa famille pour aller habiter Nomain. Et Pruvot quitta Douai, avec sa famille, pour aller a Bertry où il commença à y exercer son ministère [...] dans les contrariétés, les affronts et les insultes [...].

Il faut dire ici que les nationaux de Bertry [...] disaient : Pruvot vaut bien Dusart.

M. Willard avait choisi Dusart pour être son bras droit. C'est pourquoi il l'envoya à Nomain. Mais il s'appuya sur un bâton cassé. Car après avoir fait des concessions aux Nationaux de Bertry, quand Dusart fut établi à Nomain, il lâcha l'Eglise baptiste de ce village aux nationaux.

M. Poulain Valentin avait obtenu un petit traitement de la société baptiste américain-e comme cela avait été réclamé en sa faveur ; il recevait 100 francs par trimestre; et il travaillait à l'oeuvre avec Pruvot, en prêchant l'Evangile à Bertry et dans les environs; et c'était lui qui, comme Diacre, distribuait la Sainte Cène. Car Pruvot n'avait pas encore été consacré Pasteur. Mais les Pasteurs Nationaux tâchaient de prendre pied sur les baptistes. M. Gambier surtout, bien qu'il ne fût pas Pasteur officiel, n'y manquait pas. Pruvot fut, plusieurs fois, obligé de descendre de la Chaire pour la lui céder pour entretenir la paix.

Le 10 juin 1839, M. le Pasteur Tissier prêcha à Bertry. Le 16 du même mois, M. le Pasteur Durel de Quiévy y prêcha le matin, il distribua la Sainte Cène aux Nationaux. Ce même M. Durel avait été chargé par une décision du Consistoire protestant de Lille, dont copie avait été envoyée aux Baptistes de Bertry, disant que le temple avait été donné au Consistoire pour servir de lieu de culte aux Protestants, mais non point aux Baptistes. Et que l'un des Pasteurs de la consistoriale (M. Durel) irait y établir un culte selon la liturgie de l'Eglise réformée, pour y lire l'Ecriture sainte avec les réflexions, les prières et les sermons en usage dans la susdite Eglise réformée. Ce qui n'était pas très honorable pour le Consistoire.

Aussi M. Durel n'en fit-il rien. Au contraire, il rassura les Baptistes. Pruvot étant évangéliste prêchait non seulement à Bertry, mais rayonnait tout autour, non seulement le dimanche, mais aussi pendant les jours de la semaine, il allait à Ligny, à Reumont chez ceux qui n'étaient pas Irvingiens, à Viesly, à Saint-Vaast, à Quiévy et même à Saulzoir Mais il ne donnait la Cène nulle part. Car donner la Cène était l'oeuvre de M. V. Poulain. Mais M. Dusart était toujours le Pasteur de l'Eglise Baptiste de Bertry.

Le 6 juillet 1839, Dusart arriva à Bertry avec M. Willard.

Le 7 c'était la fête du village et M. Dusart exerça son ministère pastoral. Il y fut 6 jours. Le 13, Dusart partit pour Saint-Vaast, où il baptisa le dimanche M. Stanislas Besin de Viesly, et Mme Langlet de Ligny.

De là il retourna à Nomain.

Le 2 7bre 1839 M. le Pasteur Caillatte à Arras arriva à Bertry vers le soir dans le but de combattre les Baptistes, s'il en avait l'occasion et de soutenir les pédobaptistes. Or comme c'était le premier lundi du mois, il présida le service et prêcha sur Marc XI, 11 à 26. Dans son explication, il en arriva à dire que si les chrétiens demandaient sincèrement la conversion de leurs enfants, Dieu les convertirait assurément; pour moi, dit-il, tous mes enfants seront convertis, j'en suis sûr. Mais cette affirmation ne plut à personne.

Le lendemain, comme M. Caillatte partait, M. Louis Poulain, père, le conduisit jusqu'à Inchy-Beaumont. Et là il fut rejoint par un baptiste de Bertry, et comme la diligence tardait à arriver, il partit en avant sur Caudry.

Ce chrétien a affirmé que jamais il n'avait marché avec un homme aussi raide, aussi taquin, aussi arrogant que fut alors M. Caillatte envers lui : il méprisait les Baptistes, et surtout M. Willard, en disant : Que fait-il là à Douai ? On ne le voit pas cet homme. Vraiment, a dit ce chrétien, ce n'était plus là ce M. Caillatte que j'avais vu autrefois à Vaux, prêchant l'Evangile avec simplicité et avec tant d'amour.

Mais M. Caillatte était changé, il n'était plus le simple suffragant de M. Colani dont il avait épousé la fille ; il était devenu le Pasteur de la Ville d'Arras, il était alors fonctionnaire du gouvernement. Voilà ce qui faisait sa grandeur et sa fierté.

Le 14, samedi, MM. Gambier et Dusart arrivèrent à Bertry, le dernier venant de Douai et l'autre d'Hargicourt. Le 15, dimanche, c'était la petite fête de Bertry. Dusart y prêcha deux fois, et Gambier y prêcha le soir.

Le lundi 16, il y eut une conférence pastorale chez Valentin, entre Gambier, Dusart, Valentin et Pruvot, laquelle dura depuis 9 heures du matin, jusqu'à 2 heures du soir.

Le 17, mardi, ces Messieurs partirent vers 8 heures du matin avec Isaac Caron qui, de Bertry retournait à Hargicourt avec M. Gambier. Etant arrivé à Malincourt, ils se séparèrent; Poulain, Dusart et Pruvot allèrent à Walincourt où ils couchèrent après y avoir fait une réunion. Et le lendemain ils retournèrent. Les choses marchaient ainsi ; chacun faisait son devoir. Les visites ne manquaient pas, on avait de la vie.

Dusart surtout était comme un vrai surveillant. Il avait à soigner Bertry et les environs, et Nomain. Les Pasteurs nationaux et Pédobaptistes visitaient Bertry. Mais une crise financière étant arrivée en Amérique, la société baptiste en souffrit ; et par ordre du comité de la société, où il y avait deux agents dans la même localité, il fallut en supprimer un. Alors M. V. Poulain fut supprimé. On comprend facilement que cela lui fit de la peine, même il en fut fâché.

Enfin on arrivait au mois de septembre que Pruvot n'était pas encore consacré ; mais le jour approchait où il devait l'être avec un jeune homme nommé Foulboeuf, c'était pour le 21 septembre 1840, et à Bertry, à la petite fête.

Le 19 septembre à midi, M, le Pasteur Crétin et un autre jeune homme, Alexis Montelle, Pasteur à Tenailles ; M. Froment de Parfondevalle, tous du département de l'Aisne, arrivèrent chez Pruvot. Et pendant ce temps, les Pasteurs du Nord, Willard, Dussart, Thieffry et les étudiants Lepois et Foulboeuf arrivèrent aussi et furent placés chez Valentin et chez les frères. M. Willard était chez Valentin avec plusieurs autres ; mais il fut reçu à contre-coeur [...], Mais il fallait penser à la consécration, Et voici comme on y procéda.

Le dimanche 20 septembre, l'Eglise évangélique Baptiste de Bertry s'est réunie extraordinairement dans le temple pour s'occuper de différentes choses qui la concernaient, entre autres pour s'entendre sur le sujet de savoir si Jean-Baptiste Pruvot donnerait la Cène aux membres de l'Eglise après qu'il aurait été consacré. L'Eglise décida que cela se ferait alternativement entre lui et son oncle Valentin, quand l'occasion se présenterait.

Cela était de l'hésitation de la part de l'Eglise. Parce qu'une partie des membres étaient sous l'influence de Valentin […].

Le 21 septembre 1840, à 10 heures du matin, M. Paul Foulboeuf et M. Jean-Baptiste Pruvot furent examinés par la société des Pasteurs, sur leur foi, leur expérience chrétienne, sur leurs vues touchant l'organisation des Eglises de Jésus-Christ ; et admis à la consécration.

Dans la même réunion, on examina aussi deux candidats pour le baptême, savoir MM. Dumange et Michel, l'un et l'autre colporteurs de la société biblique française et étrangère. Et ils furent baptisés.

A 3 heures de l'après-midi, on fit le service de consécration. Etaient présents les cinq Pasteurs consacrants, savoir MM. Willard de Douai, Dusart de Nomain, Thiéffry de Lannoy (Nord), Montelle de Tenailles et Crétin d'Athis (Aisne). Il y avait aussi deux évangélistes : savoir : Fromment de Parfonde-Valle (Aisne) et Lepoix du Nord : ainsi que les deux colporteurs qui venaient d'être baptisés. Le temple était comble.

Les deux candidats ou récipiendaires étaient devant la chaire. M. Monielle commença le service par le chant du Psaume CXXXIV ; et ensuite il implora la bénédiction du Seigneur sur l'assemblée.

M. Crétin lut dans la Bible, plusieurs passages en rapport avec la circonstance. M. Dusart fit la prière ; puis on chanta le cantique de Malan : Saints messagers, etc.

M. Willard fit un discours sur I. Cor. II, 3, par lequel il montra quelle est la position de tous les hommes devant Dieu et comment le Seigneur dans sa miséricorde, agit, par le moyen de ses serviteurs, pour les amener à la connaissance de sa volonté. Puis il montra ensuite quels sont les devoirs de tous les prédicateurs et ministres de la parole de Dieu ; il montra qu'il leur incombe d'être fidèles à leur divin Maître, parce qu'une grande responsabilité pèse sur eux, et qu'ils rendront compte devant Dieu de toutes les âmes qui leur auront été confiées, et auxquelles ils auront dû annoncer la parole de vie.

Il fit ensuite remarquer que la bonne comme la mauvaise réussite des Pasteurs dépend de leur bonne ou mauvaise conduite ; qu'un Pasteur froid, indolent et paresseux, ne peut rien-espérer de bon ; mais qu'un Pasteur zélé, courageux, actif et spirituel, peut attendre la bénédiction du Seigneur et voir le fruit de ses travaux. Enfin il s'adressa particulièrement aux deux récipiendaires, et leur rappela l'importance de la vocation qu'ils embrassaient ; les exhorta à vivre dans l'humilité et dans la prière, à attendre et à tirer toute leur force du Seigneur ; puis il termina en montrant aux auditeurs qu'ils avaient aussi des devoirs à remplir envers leurs Pasteurs, savoir qu'ils doivent leur obéir selon le Seigneur, afin que ce qu'ils font, ils ne le fassent point en gémissant, qu'ils doivent prier pour eux, afin que le Seigneur les soutienne, les dirige en toute chose dans le chemin de sa volonté.

Après ce discours, les récipiendaires se mirent à genoux devant la chaire, et les cinq pasteurs leur imposèrent les mains, pendant que M. Dusart faisait la prière de consécration- Après la consécration, M. Thiéffry leur donna la charge et pria. Ensuite M. Dusart leur donna la main d'association par un discours simple adapté à la circonstance. Et l'assemblée entonna le cantique de Malan. Vous qui gardez les murs de la sainte cité, et on termina le service par la bénédiction.

Après le service tous les frères s'approchèrent pour donner la main et le baiser de paix aux nouveaux Pasteurs ; puis on se retira humiliés et joyeux. Le temps passe vite.

[...].

Malgré toutes ses misères, l'oeuvre évangélique marchait à Bertry. Les Nationaux fréquentaient le troisième culte le dimanche soir dans lequel ils s'exerçaient comme les Baptistes à la méditation de la parole de Dieu et à la prière d'abondance.

Tant que les Baptistes furent en nombre, il y eut toujours trois services par dimanche, un le mercredi et un le premier lundi de chaque mois ; ce dernier était un service de prière pour l'avancement du règne de Dieu. Les Baptistes avaient pour but avant tout de travailler au salut des âmes, en les amenant à la foi en Jésus-Christ par la prédication de l'Evangile.

En 1846, une place de Pasteur fut officiellement créée à Inchy-Beaumont, ayant pour annexe Le Cateau, Reumont, Bertry et Caudry plus Cambrai. Le premier Pasteur de cette place fut M. Hoflmann. Avant son arrivée, on avait parlé de lui favorablement ; parce qu'il était croyant, et qu'il avait desservi la place de Landouzyle-Ville.

Le lendemain de son arrivée à Inchy, Pruvot lui rendit une visite afin de mieux faire sa connaissance. Le 24 mai 1846, il fut installé dans ses fonctions par M. Larchevêque, Président du Consistoire de Lille. Le 25 mai, lundi, Pruvot, qui avait assisté à la cérémonie d'installation alla prendre M. Hoflmann chez lui et le conduisit à Bertry, et ils visitèrent ensemble tous les protestants de la localité. Et le soir Hoflmann prêcha pour la première fois à Bertry. On fut content de la prédication.

Le lendemain, 26, Pruvot alla à Reumont pour faire des visites, comme il en avait l'habitude, et il y trouva Hoflmann qui y prêcha vers le soir. Pruvot resta pour l'écouter. Mais Hoflmann n'avait pas l'air de s'attacher à lui ; il le regardait plutôt comme un adversaire.

Avant que Hoflmann ne fût à Inchy, Pruvot allait assez souvent prêcher à Caudry, il y fit même quelque bien ; entre autres il amena un homme nommé Pierre Richez à prier d'abondance.

Mais Hoflmann défendit aux protestants de Caudry de recevoir Pruvot. Mais celui-ci se tourna vers les catholiques romains de Caudry et, par la grâce de Dieu il y fit des prosélytes. Mais il ne les envoya pas à M. Hoflmann.

Au mois d'octobre 1848, M. Hoflmann, dont le caractère ne pouvait pas s'accorder avec le Consistoire de Lille, quitta le poste d'lnchy-Beaumont pour s'en aller en Belgique où il mourut bientôt, et il fut remplacé à Inchy par M. Levasseur. Ce dernier prêcha la première fois à Bertry le 22 octobre au service du soir. Sa prédication était évangélique. Il fit l'accueil le plus amical à Pruvot et à tous les frères.

Le 15 janvier 1849, M. Levasseur fit, à Bertry, l'enterrement de P. Louis Poulain fils [...] membre distingué de l'Eglise nationale; il ne parlait pas beaucoup pour l'édification, mais il était un homme de prière.

M. Levasseur fut toujours d'accord avec Pruvot ; parce que ni l'un ni l'autre ne voulait dominer sur la conscience d'autrui. Eclairer par le raisonnement et par la parole de Dieu pour amener la conviction, tel était le principe de l'un comme de l'autre. Liberté de conscience devant Dieu, telle était leur devise. Chacun rendra compte à Dieu pour soi-même ; que chacun agisse comme il est convaincu en sa conscience. Suivons la même règle dans les choses auxquelles nous sommes parvenus.

M. Levasseur n'aurait pas voulu se prévaloir de son titre de Pasteur Officiel pour gêner les Baptistes le moins du monde ; au contraire, il s'en serait prévalu pour leur bien, pour les supporter. Aussi M. Levasseur prêchait à Bertry en présence de Pruvot et celui-ci prêchait à Inchy en présence de M. Levasseur. Ils ont fait des enterrements ensemble plusieurs fois.

Un jour qu'un Jésuite nommé Cappel, prédicateur diocésain de l’évêché de Cambrai, était à Reumont et avait dit dans une de ses conférences que la Bible n’était qu’un chiffon de papier, M. Levasseur lui a écrit pour lui proposer une conférence ou discussion publique au sujet de ce blasphème. Mais, avant de le faire, il consulta Pruvot, et lui fit signer la proposition, ou la demande de discussion.

Pruvot accompagna M. Levasseur à Reumont.

Déjà Pruvot avait eu une discussion à Quiévy avec le curé de la commune, qui par ruse trompait les protestants. Pruvot l'a remis à sa place et toutes les discussions ont cessé.

Le 26 août 1849, M. Levasseur n'a ni craint, ni dédaigné d'assister à une réunion de Pasteurs Baptistes qui eut lieu à Genlis, ou Vilquier-Aumont pour la consécration d'un Pasteur, M. Irénée Foulon de Viesly, autrefois catholique romain, converti à l'Evangile par le ministère de Pruvot, dans le village de Viesly, Nord.

Dans la même occasion, M. Levasseur s'est trouvé présent au baptême par immersion, de MM. Jean-Baptiste Besin et de Elisée Dumoulin ; plus, il a regardé les baptistes participer entre eux à la sainte Cène. Et tout cela sans être scandalisé ; au contraire ; quand il eut occasion de parler avec un de ses amis pédobaptistes, il lui a dit : Les baptistes sont en parfaite harmonie avec les formes primitives et apostoliques.

On a pensé que le bon accord qui régnait entre Levasseur et Pruvot a été cause que M. Willard a envoyé ce dernier dans le département de l'Aisne, à Chéry-lès-Pouilly, près de Laon, ou il travailla pendant six mois. Pendant ce temps et celui qui suivit plusieurs membres de l'église Baptiste quittèrent Bertry pour aller colporter à Paris et dans la Normandie. Et cela fit une grande diminution dans le troupeau.

M. Willard prétendit que Pruvot irait habiter Chéry avec toute sa famiile dans laquelle il y avait de grands fils qui travaillaient à Bertry Mais à Chéry il n'y avait pas de travail pour eux. Mais Pruvot ne pouvait pas les nourrir sans travailler. Cela fut la cause d'une rupture entre Pruvot et la société Baptiste.

Pruvot fut donc plusieurs années sans être salarié par aucune société. Cependant il a toujours continué de prêcher l'Evangile chaque dimanche soir à Bertry, Inchy, Viesly et Estourmel. Pendant deux années au moins, il a été prêcher à Quiévy, de trois dimanches l'un, pour M. Durel malade.

Mais les enfants Pruvot, ayant eu occasion de prendre une commission de tissage, ils employèrent leur père avec eux, afin qu'il pût gagner son pain. Mais [il] n'abandonna jamais la prédication.

Mais la commission de tissage ayant mal tourné, Pruvot se trouva sans emploi, encore une fois.

Sur la fin de l'été 1853, un dimanche Pruvot prêchait à Inchy, pendant que Levasseur prêchait à Bertry, Et au retour les deux Pasteurs se rencontrèrent.

Alors Pruvot dit à Levasseur : Monsieur, vous savez que je prêche l'Evangile partout où j'ai l'occasion de le faire et vous savez comment je le prêche.

Tant que j'ai eu occasion de gagner mon pain par mon travail, j'ai prêché l'Evangile à mes frais.

La société Baptiste ayant voulu me déplacer pour aller dans le département de l'Aisne avec ma famille, je n'ai pas vu possibilité de le faire, et pour cela elle m'a retiré mon salaire, Et puisqu'aujourd'hui je suis sans travail manuel, et que je suis reçu même dans les Eglises nationales, pour y prêcher, ne pourrais-je pas faire la même oeuvre pour un salaire? La société baptiste m'ayant retiré le salaire qu'elle me donnait, je ne suis plus tenu d'obéir à ses accessoires (sic); et il me semble que je puis bien accepter ailleurs le salaire qu'elle me refuse.

Quelques semaines après, Levasseur dit à Pruvot : J'ai parié de vous à la société évangélique du Nord, et on m'a dit : Dites à Pruvot d'écrire à M. Guiral à Saint-Quentin ce qu'il vous a dit de vive voix ; Ecrivez donc à M, Guiral.

Pruvot écrivit donc à M, Guiral à Saint-Quentin, Et pour toute réponse, on lui fit dire d'aller prêcher à Crèvecceur, Nord, le dimanche 29 janvier 1854 ; Pruvot y alla et il y arriva le 28 à midi ; et il y eut une réunion familière d'édification ce jour-là dans la soirée ; et le dimanche Pruvot prêcha deux fois.

Dans le mois de février 1854, Pruvot reçut l'ordre d'aller prêcher à Bohain ; mais ce qui n'était pas employé à Bohain, l'était à Bertry.

A la fin il reçut aussi l'ordre d'aller prêcher à Fresnoy-le- Grand ; mais là c'était à 7 heures du soir. Le 14 avril, c'était le Vendredi Saint, au soir Pruvot prêcha à Bohain à 300 auditeurs.

Le jour de Pâques il prêcha à Bertry.

Mais le 23, il retourna à Bohain, non seulement le dimanche, mais aussi le jeudi soir. Et pendant tout le mois de mai, il a remplacé M. le Pasteur Monnier, en allant à Bohain le matin et à Fresnoy à 7 heures du soir.

Puis il a été placé à Grougis pour 7 à 8 mois, Pruvot était à Grougis à l'inauguration du temple de ce village.

Voilà donc Valentin [Poulain] débarrassé de celui qui le gênait, de celui dont il avait dit : ce ne sera pas de mon vivant qu'il sera pasteur à Bertry. Il pouvait donc diriger l'Eglise baptiste à sa volonté. Mais les membres restant de cette Eglise, n'étaient pas très vivants.

Le Seigneur rappela à lui son serviteur Valentin Poulain, vers le 15 août 1854.

Heureusement son frère Louis pouvait le remplacer dans l'assemblée pour expliquer l'Ecriture et prier d'abondance.

Mais l'Eglise baptiste était sans Pasteur. Aussi, comme nous l'avons déjà fait entendre, les membres de cette Eglise étaient beaucoup diminués les uns étaient partis, d'autres étaient morts, d'autres étaient tombés dans le relâchement à cause de ce qu'ils avaient vu et les plus fidèles gémissaient dans la triste position où ils se trouvaient.

Pruvot passa l'hiver seul à Grougis, sa famille était toujours à Bertry. mais au printemps 1855, il y fut remplacé par M. Levasseur, qui fut lui-même remplacé à Inchy par M. le Pasteur Bretegnier. ce dernier marcha sur la trace de son prédécesseur à l'égard des Baptistes. Il est vrai que ces derniers ne pouvaient plus agir vu qu'ils étaient sans conducteur spirituel; Pruvot était parti pour Verdun Meuse ; et Valentin Poulain était mort.

Bientôt on plaça un Pasteur au Cateau à la charge de la société du Nord, Le premier fut M. Chenaux, beau-frère de M. Bretegnier.

Dans ce temps on fit bâtir un nouveau temple à Inchy-Beaumont et un presbytère. On en fit aussi bâtir un au Cateau, comme on en avait fait bâtir un à Reumont quelques années auparavant.

Après la mort de Valentin Poulain, son frère Louis, bien que pédobaptiste et national, reprit la place pour la présidence dans les assemblées du culte. Quand on était réuni, il commençait par offrir à qu'elqu'un de l'assemblée d'annoncer un Psaume ou un cantique pour commencer ; et si personne ne parlait, il le faisait lui-même. Après le chant, il offrait à quelqu'un de faire la prière. Car depuis le réveil religieux il y eut toujours quelqu'un dans l'assemblée de Bertry pour faire la prière d'abondance et de coeur ; et si personne ne se présentait, il priait lui-même.

Il faisait la même chose pour toutes les parties du culte : pour la lecture de la parole de Dieu et pour l'exhortation ; et quand personne ne se présentait pour lire la parole de Dieu, ou pour l'expliquer, le président faisait tout lui seul, Et tant qu'il a vécu il s'est toujours rendu utile pour l'édification du troupeau.

Louis Poulain n'avait pas la même facilité de s'exprimer que son frère Valentin; mais il avait le même fond de Christianisme. Il n'avait pas la prétention de faire des discours ; mais il expliquait la parole de Dieu verset par verset, et cela d'une manière édifiante. Et comme son frère Valentin, il fit cela jusqu'à la fin de sa vie, pour l'avancement du règne de Dieu et pour le salut des âmes. Puis le Seigneur suscita dans l'Eglise de Bertry, des frères comme Valentin et Louis Poulain.

Si on avait quelquefois vu ces deux frères, emportés par leur zèle, discuter ensemble sur des questions secondaires, on les a toujours trouvés unis de sentiments sur les questions de fond et s'entendre, à la fin de leur vie, pour travailler à l'édification, et se consacrer au service et à la gloire de leur commun Sauveur.

Louis Poulain mourut dans la nuit du 5 au 6 octobre 1860 Son neveu Pruvot, arriva à Bertry et trouva son oncle à l'agonie, il put encore faire une prière avec lui. Pruvot venait de Paris, ayant conduit son fils Eraste à l'école préparatoire des Batignolles où il avait été reçu avec son cousin Louis Poulain petit-fils du défunt.

A ce moment il n'y avait point de pasteur, ni à Inchy-Beaumont, ni ni au Cateau, ni à Walincourt. Seulement M, le pasteur Voreaux était provisoirement à Quiévy ; on dut nécessairement le chercher. Mais voilà qu'il était parti le samedi pour Walincourt, où il prêcha le dimanche matin de sorte que ce ne fut que l'après-midi de ce jour-là, le dimanche 7 octobre, qu'on put faire l'enterrement.

Le temple était entassé de monde. M. Voreaux présida le service. Il prit pour texte Apocal. XIV, 13. Et par son discours, il établit un peu fort le mérite des oeuvres ; le texte était glissant pour lui. Mais sur la fosse, Pruvot qui était présent prit la parole, pour rendre témoignage à la fin de son oncle, et dit entre autres choses ces remarquables (sic) paroles : Non, non, mon oncle n'est [pas] sauvé par ses oeuvres. S'il était encore vivant au milieu de nous, il nous dirait à tous qu'il n'est qu'un pauvre pécheur par nature comme le sont tous les hommes, mais qu'il est sauvé par grâce par la foi en Jésus-Christ, le seul Sauveur. C'est là ce qu'il a enseigné et prêché lui-même publiquement et par centaines de fois.

Après l'enterrement, on fit, dans la maison du défunt, un modeste repas pour les porteurs et la famille, Pruvot y fut aussi invité. Alors quelqu'un de la famille dit publiquement à Pruvot : Mon cousin, voilà que notre père est mort ; il était aussi dans un certain sens le père de l'assemblée puisqu'il présidait les cultes et qu'il enseignait; maintenant que nous n'avons plus personne pour le remplacer, on sera forcé de faire le culte par des lectures ; il faudra bien lire des prières et des sermons.

Pruvot, affligé en son coeur d'un tel état de choses pour l'Eglise de Bertry, répondit : Mes amis, ce que vous devez faire d'abord, c'est de prier le Seigneur pour lui demander qu'il suscite parmi vous quelqu'un pour vous expliquer sa parole en toute simplicité, comme l'ont fait nos pères, nos prédécesseurs.

Car il y [a] peu d'édification à recevoir de la lecture d'un sermon dans un culte, à moins que ce ne soit un sermon particulier pour sa simplicité et pour une fois de temps à autre, sans en faire l'habitude. Et qui est-ce qui est capable de bien lire un sermon ? Le prédicateur qui est obligé de lire ses propres sermons est lui-même sans ton et sans énergie dans sa lecture ; à plus forte raison donc, si quelqu'un lit les sermons d'un autre, quelque beaux et excellents qu'ils soient, il sera fade dans sa lecture. La lecture des sermons dans un culte, endort.

Quant à des prières, je vous en prie, n'en lisez jamais ; mais priez d'abondance comme vous le pouvez ; car lire des prières dans l'Eglise de Bertry ce serait une déception manifeste; car depuis le réveil de 1822, on ne s'est jamais servi de liturgie que par accord, et par condescendance pour rester unis, comme nous l'avons vu plus haut. Il n'est jamais, jusqu'à ce jour, entré de liturgie dans la chaire de Bertry, La liturgie est un signe de mort spirituelle au lieu que la prière du coeur, est un signe de vie ; Pruvot alla jusqu'à dire : si je reviens un jour à Bertry et que j'y trouve une liturgie dans la chaire, je la déchirerai. Ce qui était un peu fort, Cependant les observations de Pruvot produisirent un bon effet sur toute la famille.

En 1861, un jeune homme du midi appelé Dégremont fut officiellement nommé Pasteur à Inchy-Beaumont. Ce jeune Pasteur, assez savant d'ailleurs, ne connaissait que l'Eglise nationale et son cuite. Et il introduisit officiellement la liturgie dans la chaire du temple de Bertry, dont il s'était rendu maître.

Quand les baptistes avaient fait bâtir leur temple, ils l'avaient fait couvrir en paille, comme nous l'avons vu plus haut ; parce qu'ils n'étaient pas assez riches pour le faire couvrir autrement. Mais sous la république de 1848, les deux fils [cadets] de Louis Poulain, Léopold .et Eliodore, demandèrent un secours au gouvernement, et l'ayant obtenu, le temple fut couvert en ardoise.

Mais, les familles s'étant multipliées, le temple devint trop petit. Et en 1865, on leva une souscription parmi les membres de l'assemblée; et Jérémie Pruvot, deuxième fils de Jean-Baptiste écrivit à l'empereur Napoléon III, pour lui demander un secours; cela lui fut accordé par les voies légales. La commune de Bertry y contribua aussi. Enfin on démolit le temple que les Baptistes avaient fait bâtir et on en construisit un autre sur les mêmes fondements mais un peu

plus grand.

Pendant qu'on travaillait au temple, Pruvot, qui était toujours à Verdun, alla à Bertry pour visiter sa famille, comme il le faisait presque chaque année.

Le dimanche 10 septembre 1865, M. Dégremont présida l'école du dimanche à Bertry et fit le culte du matin. Et comme Pruvot devait prêcher l'après-midi, parce que lui, Dégremont, devait aller à Caudry Où c'était la fête, il pria Pruvot d'annoncer que lui Dégremont, serait à Bertry le dimanche suivant, pour faire une collecte en faveur des esclaves de l'Amérique qui venaient d'être émancipés, Ce qui fut fait.

Pruvot dîna ce dimanche-là chez Léopold Poulain. à côté de M. Dégremont. Mais ce dernier ne fit aucune proposition à Pruvot Pour les Cultes du dimanche suivant ; après le dîner, Dégremont partit Pour, Caudry. Et Pruvot prêcha l'après-midi dans une maison où on s’assemblait depuis que le temple était en réparation.

Le dimanche 17 septembre, c'était la petite fête de Bertry. Comme Pruvot arrivait au lieu de culte le matin, son neveu Louis Poulain, fils de Léopold, qui se préparait au ministère évangélique et qui venait de commencer l'école du dimanche, s'empressa d'offrir à son oncle la présidence de l'école ; mais celui-ci refusa parce qu'il désirait entendre son neveu présider cette école. Ce que le neveu fit à la grande satisfaction de l'oncle [...].

L'après-midi Dégremont était au culte quand Pruvot y est arrivé. Et ce dernier se mit au rang des auditeurs. Dégremont, se déplaçant, alla lui demander s'il ne voulait pas dire quelque chose au service. Mais Pruvot lui répondit : Non, pour cela vous auriez dû m'en prévenir dimanche dernier; maintenant il est trop tard [...].

Le jeudi 2 août 1866, on fit avec bon goût et élégance l'inauguration du nouveau temple de Bertry. Ce fut M. Bessier, Pasteur des Eglises libres de Paris, qui fit le discours d'inauguration. La jeunesse protestante de Bertry a montré comment elle pouvait chanter les louanges du Seigneur avec harmonie.

Le 29 décembre 1869, on a consacré dans le temple de Bertry, le jeune Louis Poulain, comme ministre de l'Evangile. Outre les pasteurs de la consistoriale du Nord, il y avait aussi MM. les Pasteurs [Théophile] Poulain et Monnier de Saint-Quentin. Puis enfin M. Lorriaux de Paris qui fut chargé du discours de consécration.

C'était le quatrième pasteur que la petite Eglise protestante de Bertry avait produit, savoir Théophile Poulain, Jean-Baptiste Pruvot, Eraste Pruvot, son fils et enfin Louis Poulain neveu de Pruvot père. Et cela depuis le réveil de 1822. Grâce à Dieu ce sont quatre Pasteurs essentiellement évangéliques. Espérons que ce ne sera pas tout.

Cependant cette Eglise de Bertry a été souvent méprisée par les autres Eglises protestantes du pays, à cause disait-on de ses divisions.

Mais ces divisions étaient un signe de vie. Car là n'était pas le calme de la mort, le silence du sépulcre. Que cette Eglise conserve sa vie divine, sa vie spirituelle en Jésus-Christ. Dût-elle pour cela être divisée. Car si elle s'assoupit, elle mourra. C'est à cet état de léthargie spirituelle qu'on veut l'amener. Mais il y a des veillants qui ne se tairont point. Que Dieu la soutienne dans la sainte guerre.

Sur la fin du mois de juillet 1876, M. Dégremont quitta le poste d'lnchy-Beaumont pour celui de Boulogne-sur-Mer.

FIN

(Planches)


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