A Monseigneur de Senac de Meilhan Intendant de Valenciennes

Année 1777

Monseigneur

Votre caractère bienfaisant et votre zèle pour le bien de l’état encouragent les sujets du Roi, qui dans le Canbrésis professent la Religion réformée, à implorer votre puissante protection auprès de sa Majesté.

Des esprits chagrins jaloux de leur situation, quelque fâcheuse qu’elle soit, les peignent depuis longtemps d’une manière si contraire à leurs vrais sentiments, qu’ils ont enfin obtenu des ordres pour arrêter le Sr. Jean Baptiste Catelain marchand fabricant de toilettes, dans la paroisse de Walincourt ; ce qui fut exécuté la nuit du 24 au 25 novembre dernier. Conduit d’abord dans les prisons de Cambray, il a été aussitôt transféré dans celles de Landrecies.

Cependant cet infortuné n’est pas plus coupable qu’eux : Comme eux il est soumis au Roi, et il en est un des plus fidèles sujets ; recommandable par sa famille composée de six à sept enfants, il l’est encore par son industrie et par ses fabriques, qui font subsister un grand nombre de familles réduites par son emprisonnement à manquer de travail et de pain.

Daignez, Monseigneur, le faire rendre à ses enfants, à cette foule d’ouvriers qui s’attendent à lui. Daignez représenter au Roi combien les Protestants du Cambrésis, satisfaits de pouvoir prier pour sa Majesté et pour l’Etat dans leurs sociétés peu nombreuses s’affermissent par les Lumières qu’ils y puisent, dans leurs devoirs de Citoyens et de Sujets : et y trouvent un puissant motif pour ne pas se retirer dans des lieux où ils jouiraient tranquillement du Culte de leur Religion, et où ils ne se verraient pas traités comme des bâtards, comme des Rebelles, comme des gens sans aveu, traitements bien durs, bien humiliants pour tout homme qui pense et surtout pour des cœurs Français.

Que ne peuvent-ils eux-mêmes faire entendre au Roi, les sentiments dont ils sont pénétrés pour son Auguste Personne. Lorsque comme eux, on s’expose à tout, pour ne pas déplaire au Tout Puissant, on est prêt à tout, pour rendre au Prince tout ce qu’on lui doit ; Mais si vous daignez être leur intercesseur auprès de sa Majesté, que ne vous devront-ils pas : et quel plaisir n’aurez-vous pas, vous-même Monseigneur, d’avoir fait du bien à des personnes qui en sont dignes par leurs sentiments, par leur conduite ; et par leurs vœux pour votre prospérité et pour celle de l’Etat.


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